« L’actuelle rédaction de l’article 24 de la loi de sécurité globale est fondée sur un contresens juridique »
2021-01-06 18:37:53
L’intention de protéger les forces de l’ordre est louable, mais compromise par une maladresse de rédaction que le Sénat aura l’occasion de corriger en combinant efficacité et sécurité juridique, estiment, dans une tribune au « Monde », l’avocat Philippe Fontana et les professeurs de droit Didier Rebut et Edouard Verny.
Tribune. L’adoption, le 24 novembre, en première lecture par l’Assemblée nationale de la proposition de loi sur la « sécurité globale », dont le désormais fameux article 24 incrimine la diffusion, dans un but dolosif, d’images ou d’éléments permettant la localisation des fonctionnaires de police, gendarmes ou policiers municipaux, a suscité nombre de commentaires.
Si le but poursuivi par le législateur est nécessaire, l’actuelle rédaction de ce texte, adopté sous forme de « petite loi » [version provisoire, lors d’une navette entre les deux chambres], le dessert par sa maladresse, son déséquilibre et son risque d’inconstitutionnalité. Sa transmission au Sénat, qui doit l’examiner en janvier, redonne cependant l’espoir d’une réécriture combinant efficacité et sécurité juridique.
D’abord, l’article 24 est nécessaire, car aucune des incriminations définies dans le code pénal ne punit la diffusion d’images dans le but de porter atteinte à l’intégrité physique ou psychique d’un membre des forces de l’ordre. On cherchera vainement dans le code pénal une telle incrimination. Certaines s’en approchent, tels le délit de menaces contre une personne ou celui réprimant le harcèlement moral et le cyberharcèlement.
L’intention du législateur dévoyée
Les délits d’usurpation de données, ou même celui de provocation à la commission d’un crime ou d’un délit, sont tout aussi inopérants pour protéger les forces de l’ordre. Si l’intention du législateur de combler cette lacune est bonne, puisque le fait en cause n’entre pas dans le champ d’application du code pénal, sa rédaction est néanmoins fondée sur un contresens juridique.
En effet, la rédaction de cet article est hasardeuse. Les dispositions de cet article 24 permettent l’incrimination de ce fait lorsque deux éléments constitutifs de l’infraction sont réunis : d’une part, quand la diffusion porte sur l’image, ou tout autre élément d’identification, et, d’autre part, dans le cadre de l’accomplissement d’une action de police.