« Badass », du vaurien à la femme qui brise les codes
2021-03-10 14:44:59
Venu de l’argot américain dans années 1960 et signifiant « dur à cuire », ce terme a traversé l’océan et s’accorde toujours plus au féminin pour qualifier des héroïnes prêtes à en découdre.
Histoire d’une expression. « Des femmes qui ne font que ce qu’elles veulent » : c’est le sous-titre de Culottées, bande dessinée de Pénélope Bagieu (Gallimard, 2016), où l’on découvre des portraits de femmes qui sont parvenues à réaliser leurs rêves en outrepassant les normes sexistes qui entravaient leur chemin. On rencontre ainsi l’Amérindienne Lozen, guerrière et chamane exceptionnelle de la fin du XIXe siècle.
Badass : c’est fréquemment qu’on utilise ce terme pour désigner les femmes que met à l’honneur Pénélope Bagieu, à l’exemple d’un article de Libération où l’on interroge l’illustratrice à propos de l’une d’entre elles : « Phulan Devi est-elle une badass absolue ? »
Absent des dictionnaires français, ce terme anglais s’entend de plus en plus tel quel en français pour désigner des femmes inspirantes qui brisent les codes.
A l’instar de Barack Obama, qui saluait les joueuses badass de l’équipe féminine américaine de football ayant remporté la Coupe du monde en 2015, on trouve aujourd’hui de nombreuses femmes françaises consacrées comme badass, à commencer par Simone Veil lors de sa disparition en 2017. Nombreuses sont les listes qui répertorient ces femmes badass, tels les sites Inside, qui met côte à côte l’éthologue Jane Goodall et la rappeuse Cardi B, ou bien Sens critique énumérant les « héroïnes badass ».
A l’origine, une insulte
Pourtant, imparfaitement traduit par « dur à cuire », le substantif badass est, à l’origine, une insulte provenant de l’argot américain des années 1960. Sale type (bad-ass), le badass est initialement un homme qui, quoique courageux, n’en est pas moins mauvais, au point de devenir effrayant parce que prêt à tout, ne connaissant aucune peur, comme l’indique le Cambridge Dictionary. Fort d’une puissance sans limite, à mi-chemin entre une violence triviale et un héroïsme intrépide, risquant tout, le badass apparaît menaçant et c’est donc naturellement que les dictionnaires anglais emploient d’abord ce terme pour désigner des trafiquants de drogue.
D’emblée, l’ambivalence de la figure du badass ne cesse d’être soulignée : s’il inquiète, il est aussi admiré, d’où des connotations parfois diamétralement opposées.
Au cours de la décennie suivante, le mot se diffuse largement au sein de la langue anglaise, et particulièrement par le biais musical du rap américain, qui lui permet de s’immiscer dans le langage courant. Cette diffusion à grande échelle donne lieu à deux phénomènes habituels dans de nombreuses langues. D’une part, le substantif, par extension, donne naissance à l’adjectif badass, qui peut désormais qualifier comportements et actions. D’autre part, le sème du courage l’emporte sur celui de la violence, provoquant un renversement de signification du péjoratif vers le mélioratif et de la crainte vers l’admiration.