Dominique Rousseau : « Promouvoir une démocratie qui permette un contrôle continu et effectif de l’action des gouvernants »

  • 2021-03-21 15:13:37
Le professeur de droit public propose, dans une tribune au « Monde », quatre réformes constitutionnelles qui permettraient aux citoyens d’intervenir dans la fabrication des lois au-delà des seuls moments électoraux. Tribune. Le citoyen est le grand absent des formes politiques contemporaines. Il est abondamment cité mais aussi absolument oublié. Car la forme capitaliste de l’économie n’a pas besoin de citoyen mais de travailleur-consommateur. Le libéralisme économique, en mettant « l’individu-en-train-de-se-faire » au centre de sa dynamique, a contribué à révolutionner les sociétés, mais il s’est développé en réduisant progressivement l’individu à sa seule dimension économique, le « laisser-faire » oubliant ou négligeant ses dimensions sociale, politique, culturelle. Et ce développement unidimensionnel a produit de terribles inégalités dans l’accès à l’emploi, à l’éducation, à la santé, au logement qui mettent en cause, aujourd’hui, non seulement la cohésion politique des sociétés mais l’idée même d’individu que le libéralisme portait à l’origine. Le capitalisme écrase l’individu et les marchés imposent leurs lois aux politiques et aux citoyens. Mais la forme représentative de la démocratie n’a pas davantage besoin de citoyens ; elle a besoin d’électeurs. Sieyès [homme politique et essayiste, 1748-1836] le dit dans son discours du 7 septembre 1789, où il oppose gouvernement représentatif et démocratie : « Les citoyens, déclare-t-il, qui se nomment des représentants renoncent et doivent renoncer à faire eux-mêmes la loi ; ils n’ont pas de volontés particulières à imposer. S’ils dictaient des volontés, la France ne serait plus cet Etat représentatif ; ce serait un Etat démocratique. Le peuple, je le répète, dans un pays qui n’est pas une démocratie (et la France ne saurait l’être), le peuple ne peut parler, ne peut agir que par ses représentants. » Le passage du suffrage censitaire au suffrage universel et les institutions de la représentation n’ont pas changé la réalité des choses s’ils en ont modifié l’apparence. « Au nom de… » reste la règle grammaticale fondamentale de la forme représentative du gouvernement des sociétés politiques.  

متعلقات