La pandémie de Covid-19, élément mobilisateur de la contestation au Sénégal
2021-03-22 23:00:24
Les troubles qui ont éclaté après l’arrestation de l’opposant Ousmane Sonko ont aussi été nourris par les restrictions sanitaires et leurs conséquences socio-économiques.
Le Sénégal vient-il d’ouvrir le bal des protestations politiques engendrées par la crise sanitaire ? Le raccourci est évidemment trop rapide, l’explication trop simpliste. Mais la pandémie de Covid-19 a cependant été un accélérateur de l’histoire.
Sur l’autoroute qui mène du nouvel aéroport Blaise-Diagne à Dakar, Abou a repris le chemin du travail. Une semaine plus tôt, il jetait des pierres pour exprimer sa colère contre « le recul de la démocratie, la mauvaise gestion de Macky Sall [le président du Sénégal], sa soumission à la France et aux entreprises étrangères, sans bénéfice pour le Sénégalais lambda ». A 32 ans, avec deux enfants à charge et une deuxième année d’études de géographie en pointillé, son travail de chauffeur est une nécessité. Depuis l’arrivée du coronavirus, il y a un an, l’économie s’est figée, le tourisme s’est effondré. Abou est passé d’une dizaine de courses par semaine à quatre par mois.
Cisko, Ibrahima et Ndiouga sont eux aussi partis manifester lorsque l’opposant Ousmane Sonko a été arrêté, le 3 mars, sur la route du palais de justice où il devait répondre à des accusations de viol. Aujourd’hui, les trois voisins âgés de 25 à 30 ans ne cherchent plus à converger vers la place de la Nation pour défendre une tradition démocratique que le Sénégal brandit fièrement, mais à joindre les deux bouts dans leur quartier des Parcelles assainies.
Ibrahima raconte sa « rage » d’habiter encore avec son père, ses frères et sœurs, et de ne gagner quotidiennement que 5 000 francs CFA (7,60 euros) quand « on doit payer chaque mois un loyer de 115 000 francs CFA pour un trois-pièces ». Ses formations en infographie puis en restauration ne lui ont jamais permis de trouver un travail. « Pour ça, il faut être pistonné », pense-t-il. Alors il est devenu livreur, mais la période de couvre-feu ouverte le 23 mars 2020 a été fatale à ses revenus.