« Les batailles d’opinion stériles autour de la place de l’islam nous interdisent de contribuer à la relance d’une histoire commune »
2021-03-25 16:27:27
Loin de marquer une rupture, l’assassinat de Samuel Paty peine à faire événement alertent, dans une tribune au « Monde » les sociologues Smaïn Laacher, Joan Stavo-Debauge et Cédric Terzi. Les positions au sujet de l’islam se cristallisent autour d’interprétations irréconciliables, dans des polémiques violentes qui menacent désormais l’existence même des personnes prises à partie.
Tribune. Il est difficile de problématiser un événement. Chaque événement comporte une part irréductible d’énigme. Il faut du temps pour l’élucider et on ne comprend jamais seul, c’est-à-dire dans l’ignorance. Depuis quelques années, et de façon singulièrement violente depuis l’assassinat de Samuel Paty, les mondes politique et académique paraissent « sens dessus dessous ». Bien sûr, les affrontements idéologiques et politiques n’ont rien d’inédit.
Il n’y a pas si longtemps, l’espace académique, social et partisan était divisé par des luttes sans merci pour imposer la définition légitime d’un « monde vivable ». Ces confrontations pouvaient s’avérer traumatisantes lorsque le groupe excluait l’un des siens pour « traîtrise », parce qu’il n’était plus dans la « ligne » ou qu’il faisait le jeu des « classes bourgeoises ». En revanche, dénoncer le « capitalisme » ou le « soviétisme » et leurs horreurs ne conduisait pas à la « liquidation » des dénonciateurs. Les noms des militants n’étaient pas placardés pour être ramenés à la raison « morts » ou « vifs ».
Guerre de positions
Longtemps, nous nous sommes refusés à entrer dans le cercle infernal de l’accusation mutuelle et de l’exposition nominative à la violence d’autrui, qui tiennent aujourd’hui lieu de débat public. Nous sortons de notre réserve parce que l’assassinat de Samuel Paty peine à faire événement. Loin de marquer une rupture, il a été ressaisi dans la confrontation et ne cesse d’alimenter une polémique qui reproduit mécaniquement les occurrences susceptibles de la relancer. Une fois ce sera un cours de droit à l’université d’Aix-Marseille. La suivante, la préparation de la semaine de l’égalité et contre les discriminations à l’IEP de Grenoble.
Les cas se multiplient et les positions se cristallisent autour de deux interprétations irréconciliables. Pour les uns, nous devrions éviter à tout prix l’amalgame entre islamisme et islam, entre terroristes et musulmans. Les autres nous appellent à un sursaut républicain qui devrait se manifester par un encadrement sans complaisance de toute manifestation d’appartenance religieuse. Il en résulte une avalanche de prises de position attendues.