Jean-Sébastien Boda : « Changeons les modalités d’accès au second tour de l’élection présidentielle »

  • 2021-04-12 14:11:51
Afin de redonner toute sa légitimité au chef d’Etat et de lutter contre l’abstention, l’avocat préconise, dans une tribune au « Monde », d’aligner le régime de l’élection sur celui des législatives, où peuvent accéder au second tour les candidats ayant obtenu 12,5 % des suffrages des électeurs inscrits. Tribune. Comme toute règle de droit, lesquelles n’ont pas vocation à régir indéfiniment sans changement les comportements humains, il arrive que des règles institutionnelles, qui avaient pu bénéficier d’un fondement clair et légitime au moment de leur adoption, l’aient perdu. Celles-ci tendent néanmoins parfois à se maintenir, comme par infantilisme ou habitude de ceux auxquels elles s’adressent. Faute d’une abrogation ou, plus subtilement, d’une modification, elles perdurent alors au-delà du temps où elles étaient utiles ; dans ce cas, pour citer Freud se référant à Goethe : « La raison devient non-sens, le bienfait calamité. » C’est précisément le cas de la règle, figurant à l’article 7 de la Constitution, qui veut que, sous la Ve République, si le président n’est pas élu à la majorité absolue des suffrages exprimés, imposant l’organisation d’un second tour, « seuls peuvent s’y présenter les deux candidats qui, le cas échéant après retrait de candidats plus favorisés, se trouvent avoir recueilli le plus grand nombre de suffrages au premier tour ». Cette règle de « qualification » au second tour, qui n’avait nullement été retenue sous les Républiques précédentes (y compris pour l’élection du président de la République au suffrage universel dans la Constitution de 1848, qui avait opté pour un système complexe en cas de second tour) avait été souhaitée par Charles de Gaulle, pour une raison précise : donner à la France un président majoritaire. Comme il l’expliquait à Alain Peyrefitte dans C’était De Gaulle (Quarto, Gallimard, 2002) : « Le but de l’élection du président de la République au suffrage universel, c’est que l’on place à la tête de l’Etat quelqu’un qui soit élu par la majorité des citoyens. Sinon le caractère de la fonction présidentielle ne serait pas respecté. Le président serait un minoritaire. Il ne pourrait pas exercer ses fonctions. » Absurdement autoritaire C’était – déjà – assez largement un mythe mais il répondait à son temps et à l’esprit des institutions. Or, qui ne voit qu’aujourd’hui, loin de préserver le caractère majoritaire de l’élection du président et de renforcer sa légitimité, le système retenu par l’article 7 de la Constitution aboutit en réalité, en cas de présence d’un candidat dit d’extrême droite au second tour – ainsi que cela fut le cas en 2002 et 2017 et menace de l’être de nouveau en 2022 – à l’accouchement d’une république quinquennale minoritaire ?

متعلقات