Commémorer la première abolition de l’esclavage, le 4 février 1794, et la célèbre phrase de Robespierre, c’est rappeler que la République française, dès son origine, était non seulement abolitionniste mais aussi universaliste, souligne l’écrivain Claude Ribbe dans une tribune au « Monde ».
Tribune. Depuis quarante-six ans, le mois de février – Black History Month – est officiellement consacré, aux Etats-Unis et au Canada, à l’histoire de la diaspora africaine. Comme cette appellation l’indique, l’accent fut porté, à l’initiative du président américain Gerald Ford (1913-2006), sur la couleur de peau des descendants visibles de cette diaspora, une distinction très controversée chez nous.
Pourtant, comme pour accompagner discrètement la commémoration d’outre-Atlantique, le 4 février est désormais célébré par des associations, des acteurs de mémoire, et fait même l’objet de colloques. Cette date mémorielle officieuse correspond, en effet, à la première abolition de l’esclavage en France par la Convention, en 1794.
Idée reçue
Le 16 pluviôse an II (4 février 1794), au lendemain de l’arrivée en France des trois députés de la colonie de Saint-Domingue (aujourd’hui Haïti) – dont le célèbre Jean-Baptiste Belley (1746 ou 1747-1805), immortalisé par le portrait de Girodet –, la Convention abolissait l’esclavage par acclamation. Elle y avait été encouragée par la célèbre injonction de Robespierre (1758-1794) : « Périssent nos colonies, plutôt qu’un principe ! » Non seulement l’esclavage était proscrit dans lesdites colonies, mais la citoyenneté française y était accordée à tous leurs habitants, sans distinction de couleur.
Pour bien comprendre le contexte, il faut rappeler que, contrairement à une idée reçue, la déclaration des droits de l’homme de 1789, dont l’article premier affirme le caractère naturel et inaliénable de la liberté et de l’égalité, n’avait rien d’universel dans son application effective, puisqu’elle ne concernait pas les esclaves des colonies françaises.
La plupart d’entre eux – et notamment ceux de Saint-Domingue – en avaient pourtant assez rapidement tiré les conséquences par une révolte générale, le 23 août 1793, une date qui fait aujourd’hui l’objet d’une journée de mémoire internationale, portée par les Nations unies.
Napoléon et la Guadeloupe
Il faut savoir également que les cinq premières années de la Révolution, loin d’avoir mis en péril l’esclavage et les colonies, furent au contraire les années les plus prospères du XVIIIe siècle, en ce qui concerne la traite esclavagiste française. Abolir l’esclavage, ou plutôt reconnaître que l’abolition imposée par la révolte des esclaves dans la principale colonie française, la « perle des Antilles », qui assurait à elle seule l’équilibre du commerce extérieur, c’était normalement s’interdire toute possibilité de retour en arrière.