« Il est temps de revoir l’organisation du marché de l’électricité en France et en Europe »
2022-02-07 04:24:58
Un collectif d’anciens dirigeants d’EDF s’alarme, dans une tribune au « Monde », des déséquilibres engendrés par la régulation actuelle du marché de l’énergie.
Tribune. Anciens dirigeants d’EDF, nous interpellons les pouvoirs publics d’aujourd’hui et de demain sur la situation critique de l’opérateur, accentuée par les mesures prises récemment pour protéger les particuliers et les entreprises face à la hausse du prix de l’électricité.
Ces mesures, prises dans l’urgence, sont dues à la crise engendrée par l’explosion des prix du gaz. A court terme, elles ont un coût de l’ordre de 8 milliards d’euros pour EDF ! A moyen et long termes, elles génèrent des risques pour la sécurité d’approvisionnement en électricité de la France, sans apporter de réponse durable au renchérissement des prix des énergies fossiles. Il est temps de revoir l’organisation du marché de l’électricité en France et en Europe pour sortir de cette impasse.
Pour que le consommateur dispose à chaque instant de l’électricité nécessaire à ses activités, il faut tout d’abord qu’il soit raccordé à un réseau électrique de distribution et de transport, et que des centrales soient disponibles pour satisfaire la totalité de la demande. Il faut, en outre, que des agents commerciaux aient négocié un contrat de fourniture avec ce consommateur, activité dont le coût est infiniment plus faible que ceux engagés pour la construction et l’entretien des réseaux et des centrales, qui sont essentiellement des coûts d’investissement.
Double paradoxe
La logique voudrait que la facture des clients reflète cette réalité. Or il faut des années pour concevoir et réaliser ces équipements. Pourquoi le consommateur français verrait-il sa facture exploser lorsque les prix du gaz s’envolent ?
Le marché organisé en Europe est un marché de court terme, efficace mais aveugle au-delà de trois ans. A chaque instant, les centrales disponibles sont appelées par ordre de coût croissant. La dernière centrale utilisée pour satisfaire la demande fixe le prix du marché. Il reflète donc le coût du combustible utilisé – en général du gaz – et du CO2 émis par celle-ci.
La concurrence, en Europe, s’est concentrée sur la fourniture du client final, et le prix pour les consommateurs est fixé sur la base du prix de marché, sans rapport avec le coût du mix de production du pays.
Nous sommes confrontés à un double paradoxe : alors que le parc de production français est très majoritairement nucléaire et hydraulique, les consommateurs sont exposés à la volatilité des prix du gaz. Par ailleurs, le marché ne donne pas les signaux de prix à long terme qui permettraient de guider les investissements nécessaires à la construction des centrales du parc de production futur, en niveau et en structure.
Celle-ci résulte en effet de choix politiques très différents d’un pays à l’autre, liés à la hiérarchie des critères retenus (maîtrise des coûts, indépendance énergétique, lutte contre le changement climatique).