« A l’aube du nouveau quinquennat, il est urgent que s’ouvre un débat national sur les politiques en matière de drogues »

  • 2022-06-16 13:28:49
Helen Clark, Ruth Dreifuss et Michel Kazatchkine, trois anciennes figures de la politique et de la diplomatie internationales, toutes membres de la Commission globale de politique en matière de drogues, interpellent, dans une tribune au « Monde », les dirigeants français pour leur demander de réformer leur approche de gestion des stupéfiants. Les deux campagnes électorales du printemps 2022 ont été dominées par les crises géopolitiques, sanitaires et sociales auxquelles le pays demeure confronté. Le débat sur la réforme des politiques en matière de drogues, envisagé par Emmanuel Macron en 2017 en particulier sur la dépénalisation de l’usage du cannabis, est resté, quant à lui, absent des discussions. Au cours des cinq dernières années, les questions touchant à la consommation de substances psychoactives illégales, à la création de salles de consommation à moindre risque, la gestion du crack ainsi que le trafic de cannabis dans les cités, n’ont été abordées que sous l’angle sécuritaire et pénal. A l’aube du nouveau quinquennat, il est urgent que s’ouvre un débat national sur les politiques en matière de drogues, fondé sur les données scientifiques accumulées dans les dernières décennies et sur l’expérience acquise dans de nombreux pays, en évitant l’écueil de la simplification, des préjugés et des idéologies partisanes. Malades et délinquants Les politiques considérant les personnes qui consomment des substances psychoactives à la fois comme malades et comme délinquantes, comme le fait la loi de 1970, ont échoué. En France, la consommation de drogues n’a cessé de croître, selon l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies. D’après le huitième rapport de cette institution, au moins 537 décès par surdose ont été enregistrés, toutes substances illicites confondues, en 2017 ; 161 000 interpellations pour usage de stupéfiants ont été réalisées ; 67 500 condamnations prononcées pour un délit lié à la drogue, une majorité pour des délits d’usage et de possession d’une substance illégale, sans que ce comportement ait nui à autrui. Les interpellations et incarcérations continuent à augmenter et accroissent la stigmatisation de personnes déjà discriminées du fait de la couleur de leur peau, de leur origine ou de leur marginalisation sociale, discrimination qu’a constatée le Défenseur des droits [en 2017]. Ces communautés ont, depuis longtemps, perdu la confiance dans les forces de l’ordre et la justice, confiance si nécessaire dans un Etat de droit. La police et les institutions judiciaires sont surchargées, tandis que les quelques initiatives de réduction des risques, au vu de leurs succès, appellent à mieux et à plus. Depuis 2006, sur l’ensemble du territoire, seuls quelques centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques et des associations accueillent et accompagnent les personnes dont la consommation de drogues est problématique et nuit à leur santé et à leur intégration sociale.

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