Venezuela : une morte et 12 blessés à la frontière avec le Brésil
2019-02-23 00:45:55
Des affrontements meurtriers ont éclaté entre les membres d’une communauté amérindienne et les forces de sécurités vénézuéliennes, qui refusent de laisser entrer l’aide humanitaire.
Les tensions n’ont cessé de croître depuis le début de la semaine au Venezuela en raison du refus des autorités de laisser entrer l’aide humanitaire, bloquée aux frontières. Vendredi 22 février, une personne est morte et douze autres ont été blessées à la suite d’affrontements entre la population et les forces de sécurité à Gran Sabana, une localité vénézuélienne proche de la frontière avec le Brésil.
La mort de Zoraida Rodriguez, qui appartient, comme les personnes blessées, à la communauté indigène Pemon, a été confirmée par le maire de la commune, Emilio Gonzalez. L’ONG de défense des droits de l’homme Kapé Kapé fait état d’un bilan total de deux morts, non confirmé par les autorités à ce stade.
Les heurts avaient débuté plus tôt dans la journée, lorsqu’un groupe d’Amérindiens a tenté d’empêcher des militaires de bloquer la frontière, conformément à un ordre donné la veille par le président Maduro. Des stocks d’aide humanitaire, que le gouvernement a décidé de ne pas laisser passer, s’accumulent en effet côté brésilien. Fournis par des Etats qui soutiennent l’opposition, ils s’apparentent selon Caracas à une ingérence extérieure.
L’armée « en alerte »
L’opposant Juan Guaido, qui a promis que l’aide d’urgence entrerait coûte que coûte dans le pays samedi, a accusé sur Twitter les militaires d’avoir tiré des « rafales contre des Pemon qui se trouvaient au poste de contrôle de la garde nationale ». Il a également demandé que soient arrêtés les « responsables de la répression et de l’assassinat de nos frères Pemon qui soutenaient [l’entrée de] l’aide humanitaire ».
Le secrétaire général de l’Organisation des Etats américains (OEA), Luis Almagro, a également condamné « fermement » l’attaque. « Nous exigeons que cessent les attaques contre la population », a-t-il écrit sur Twitter. L’armée, qui a réaffirmé sa « loyauté absolue » au chef de l’Etat vénézuélien, s’est dit mardi « en alerte » face à toute violation du territoire.
Le secrétaire général de l’Organisation des Nations unies (ONU) a de son côté appelé par la voix de son porte-parole, Stéphane Dujarric, à « éviter la violence ». Lors de son point-presse quotidien, ce dernier a précisé que le message de M. Guteres avait été transmis au secrétaire d’Etat américain, Mike Pompeo, et à son homologue vénézuélien, Jorge Arreaza. « L’aide humanitaire doit être utilisée de manière impartiale et sans objectif militaire », a répété vendredi le porte-parole.
« Demain nous serons libres »
Outre les tensions meurtrières à la frontière avec le Brésil, la situation à la frontière avec la Colombie se trouve également au cœur des préoccupations. Deux concerts « rivaux » y sont organisés : l’un, côté colombien, par le milliardaire britannique Richard Branson en soutien à l’opposition ; l’autre, côté vénézuélien, par le gouvernement de Caracas, qui a prévu trois jours de concerts en soutien à Nicolas Maduro.
Les organisateurs du concert colombien espèrent que, couplé à des pressions accrues de partisans de l’opposition sur le terrain, le rassemblement contraindra le pouvoir à céder et à ouvrir la frontière afin que l’aide passe. Il s’agirait alors d’une victoire de taille pour l’opposition, qui y voit un tournant potentiel vers la transition politique.
Aux cris de « Liberté ! » ou « Le gouvernement va tomber », les premiers spectateurs, déjà plusieurs milliers, vêtus de blancs et brandissant des drapeaux vénézuéliens, se sont massés tôt vendredi matin devant la scène colombienne, a constaté un journaliste de l’Agence France-Presse. « C’est incroyable de voir ces milliers de personnes venir au concert », s’est félicité Richard Branson, lors d’une conférence de presse. Il espère récolter 100 millions de dollars de dons pour la population vénézuélienne.
Plusieurs vedettes internationales hispanophones sont attendues sur scène. Le chanteur vénézuélien installé en Espagne Carlos Baute a déclaré : « Nous ne sommes pas ici seulement pour ouvrir un canal humanitaire, mais parce que demain nous seront libres. » Parmi les autres artistes invités, se trouvent les Espagnols Alejandro Sanz et Miguel Bosé, le Dominicain Juan Luis Guerra, les Colombiens Carlos Vives et Juanes, le Portoricain Luis Fonsi.
En dépit d’une interdiction de quitter le territoire vénézuélien, Juan Guaido est arrivé, dans l’après-midi, en Colombie pour assister à l’évenement.
Caravanes de volontaires
Le président colombien, Ivan Duque, et ses homologues chilien, Sebastian Pinera, et paraguayen, Mario Abdo, sont attendus à la clôture de l’événement prévu vers 16 heures et pour la sécurité duquel 1 500 policiers et militaires ont été déployés. M. Duque a appelé jeudi à « rompre un enfermement absurde, inhumain, violatoire des droits humains et du droit international pour que des vivres, des médicaments puissent parvenir aux frères vénézuéliens qui vivent une catastrophe ». De son côté, le président vénézuélien a averti les artistes qui se produiront en Colombie, déclarant qu’ils commettaient « un crime » et qu’ils donnaient de fait « leur aval à une intervention militaire ».
De l’autre côté de la frontière, les préparatifs se poursuivaient pour le concert, prévu sur trois jours, organisé par le gouvernement vénézuélien. Les lieux étaient sous la surveillance de militaires et aucune foule de spectateurs n’était visible en milieu de matinée, a constaté l’AFP. Peu de détails ont filtré à propos de ce contre-concert intitulé « Hands off Venezuela » (« pas touche au Venezuela »). Des cohortes d’ouvriers ont installé jeudi une vaste scène.
Le représentant spécial des Etats-Unis pour le Venezuela, Elliott Abrams, a pour sa part quitté vendredi la Floride à bord du cinquième avion de l’agence d’aide et de développement américaine Usaid transportant des vivres et médicaments à destination de la frontière entre le Venezuela et la Colombie. De son côté, Juan Guaido a quitté la capitale jeudi avec des partisans pour rejoindre par la route la frontière colombienne, où il espère faire entrer l’aide avec le soutien de caravanes de volontaires. Le chef de file de l’opposition, parti dans un convoi de camionnettes aux vitres fumées, n’a fait aucune apparition publique dans la journée.
AFP.