Marée humaine dans les grandes villes d’Algérie pour exiger le départ de Bouteflika
2019-03-09 02:41:45
Les manifestations de vendredi ont rassemblé des centaines de milliers de personnes, bien plus que lors des deux dernières semaines.
Une marée humaine a défilé, vendredi 8 mars, dans le centre d’Alger, contre un cinquième mandat d’Abdelaziz Bouteflika. La mobilisation était très largement supérieure à celle des manifestations des deux derniers vendredis à Alger, pourtant déjà impressionnante. Mais elle est difficile à chiffrer, les autorités ne donnant aucune évaluation du nombre de protestataires, tandis que certains sur les réseaux sociaux évoquent « peut-être des millions », mais sans source vérifiée.
A Oran et Constantine, respectivement deuxième et troisième villes du pays, la mobilisation était également très supérieure à celle des deux vendredis précédents. Des manifestations de grande ampleur ont été également signalées dans de nombreuses villes à travers le pays, rapportent des sources sécuritaires, des médias algériens et les réseaux sociaux.
A Alger, les places et principales rues du centre étaient noires de monde, au point que le cortège peinait à avancer. Des manifestants de tous âges défilaient dans le calme, arborant de grands drapeaux algériens rouge, vert et blanc, aux cris de « Pouvoir, assassin » ou « Pas de cinquième mandat, eh Bouteflika ! ». « Ils ont les millions, nous sommes des millions », proclamait une pancarte brandie par une femme dans le cortège. La manifestation coïncidait avec la célébration du 8 mars, Journée internationale des droits des femmes, qui étaient nombreuses dans le cortège.
En fin d’après-midi, alors que la grande marche était terminée, des heurts entre des centaines de jeunes et la police ont eu lieu dans le centre d’Alger, tout près de la cathédrale du Sacré-Cœur, selon notre correspondant sur place. Des pierres ont été arrachées des trottoirs pour servir de projectiles. De leur côté, les forces de l’ordre ont répliqué à coups de gaz lacrymogène et de grenades de désencerclement. Ces jeunes, qui ne voulaient pas quitter les lieux, continuaient à crier « non au cinquième mandat de Bouteflika ». La police a annoncé en fin de journée avoir arrêté 195 personnes, précisant que 112 policiers avaient été blessés dans les heurts.
« Toute la ville est sortie »
Lors des précédentes manifestations – à l’exception de quelques heurts localisés en fin de rassemblements entre petits groupes de casseurs et policiers –, les cortèges ont été pacifiques et se sont déroulés sans incident.
A Oran, « toute la ville est sortie, c’est du jamais-vu », a rapporté un journaliste, faisant état d’une mobilisation beaucoup plus importante que les deux vendredis précédents. Enormément de femmes étaient présentes, pratiquement la moitié des manifestants, a-t-il ajouté. A Constantine aussi, « il y a [eu] une très grosse mobilisation » et « beaucoup plus de monde » que les 22 février et 1er mars, selon un journaliste sur place. Les gens, dont de nombreuses femmes, défilaient dans une ambiance bon enfant.
La mobilisation était également qualifiée d’« impressionnante » à Annaba, quatrième ville du pays, et à Béjaïa, en Kabylie (nord). Des sources sécuritaires ont signalé des marches à Tizi-Ouzou, autre ville de Kabylie, Tiaret et Mascara (nord-ouest), Ghardaïa (centre), M’Sila (nord), Sidi Bel Abbès et Tlemcen (nord-ouest).
Sur les réseaux sociaux, des messages appelant à une mobilisation massive à travers les grandes villes d’Algérie s’étaient répandus ces derniers jours. Circulaient également les « 18 commandements des marcheurs du 8 mars » rappelant le caractère pacifique de la contestation et appelant les manifestants à faire de vendredi « un jour de fête » et à se munir « d’amour, de foi, de drapeaux algériens et de roses ».
Les Algériens ont fait peu de cas du message que leur a adressé jeudi Abdelaziz Bouteflika, 82 ans, hospitalisé en Suisse depuis plus de dix jours et dont le retour au pays n’a toujours pas été annoncé. Le chef de l’Etat avait appelé à la vigilance contre une possible infiltration du mouvement de contestation par une « quelconque partie insidieuse, de l’intérieur ou de l’extérieur », susceptible de provoquer le chaos.
En creux, il réaffirmait qu’il n’entendait pas renoncer à briguer un 5e mandat lors de la présidentielle du 18 avril. Mais la rue algérienne ne semble pas prête à céder, malgré les rappels de M. Bouteflika, présenté par ses partisans comme le garant de la paix, sur la « tragédie nationale » de la décennie de guerre civile et la déferlante du printemps arabe.
AFP.