« Le principal problème de l’Espagne, c’est la question territoriale »

  • 2019-04-28 22:13:50
A la veille des élections législatives anticipées en Espagne, dimanche 28 avril, le philosophe politique Daniel Innerarity évoque, dans un entretien au « Monde », la montée du parti nationaliste Vox et la crise catalane, face à laquelle la meilleure solution serait, selon lui, un accord qui renforce l’autonomie Entretien. Professeur de philosophe politique à l’université du Pays basque et à l’Institut européen de Florence, l’Espagnol Daniel Innerarity est candidat de la coalition régionaliste Geroa Bai en Navarre (à une position symbolique qui fait qu’il ne sera pas élu) aux élections législatives du 28 avril, et l’auteur du Temps de l’indignation (Le Bord de l’eau, 2018). Près de 40 % des Espagnols se disaient encore indécis une semaine avant les élections du 28 avril. Comment expliquez-vous la volatilité du vote ?L’une des explications possibles c’est que les citoyens ont davantage de choix, mais cela signifie surtout, à mon sens, que les partis ont moins d’autorité qu’auparavant. Ils ne correspondent plus à des pans entiers de la société, comme cela se produisait quand les classes sociales étaient consolidées et stables. Quand les « indignés » disaient « ils ne nous représentent pas », ce n’était pas seulement un reproche mais aussi une constatation sociologique : la société espagnole ne se représente que de manière provisoire et transitoire. Le lien électoral est une relation « déloyale » et multiple. Le nomadisme électoral est moins l’exception que la règle. Cela explique-t-il aussi l’instabilité politique actuelle et que ces législatives soient les troisièmes élections en quatre ans en Espagne ?Nous subissons à la fois tous les inconvénients du pluripartisme – en particulier une grande difficulté à l’heure de sceller des accords – et tous ceux du bipartisme, avec un antagonisme dramatisé non plus entre deux partis, mais entre deux blocs. Cet « antagonisme dramatisé » se traduit par une crispation politique majeure en Espagne. Ces élections dépassent-elles le clivage traditionnel droite-gauche comme le disent les partis ?Elles sont particulièrement importantes dans la mesure où le gouvernement qui sortira des urnes sera capable ou non de résoudre le principal problème de l’Espagne, qui est la question territoriale. Cependant une des raisons plus prosaïques expliquant la polarisation et la radicalisation du combat politique est que ceux qui dirigent les différents partis jouent leur survie politique. Mariano Rajoy [chef conservateur du gouvernement de 2011 à 2018] avait gagné les élections à la troisième tentative. Cela n’est pas envisageable pour des leaders comme Pablo Casado du Parti populaire, Albert Rivera de Ciudadanos ou Pablo Iglesias de Podemos. La politique du court terme dans laquelle nous nous sommes installés ne leur concède qu’une opportunité très limitée. Ils ne disposent pour ainsi dire que d’une seule balle, et ils emploient tous les moyens pour survivre. AFP.

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