Elections européennes : « Le sentiment d’appartenance à l’Union ne se décrète pas »
2019-05-03 21:30:36
La politiste belge Florence Delmotte analyse le désamour des citoyens pour la conduite des affaires européennes avant le scrutin du 26 mai.
Chercheuse qualifiée du Fonds de la recherche scientifique belge, professeure de science politique à l’université Saint-Louis à Bruxelles, Florence Delmotte s’intéresse aux processus de légitimation politique et d’identification à l’Europe. Elle a publié en 2018, dans la revue Politique européenne, un article coécrit avec Ludivine Damay qui porte sur les « dialogues citoyens » organisés depuis 2013 par la Commission européenne.
Le sentiment d’appartenance à la Communauté européenne a-t-il progressé depuis les premières élections du Parlement européen au suffrage universel, en 1979 ?Tout dépend de la manière dont on définit le sentiment d’appartenance et la communauté. Pour certains auteurs, le sentiment d’appartenance renvoie au fait de dire « nous », par rapport à un « eux » qui, en quelque sorte, révèle la communauté à elle-même. Même si cela est très difficile à mesurer, on peut douter de l’existence aujourd’hui d’un tel sentiment d’appartenance et d’une telle communauté au niveau européen.
Mais on peut aussi définir le sentiment d’appartenance de manière plus minimaliste. Dans l’Eurobaromètre publié en novembre 2018, il apparaît que, dans l’ensemble des Etats membres, une majorité des sondés « se sentent » citoyens de l’Union. Cela indique déjà qu’ils savent qu’ils sont citoyens européens, ce qui n’est pas rien. Cependant, le même sondage révèle que moins de la moitié des personnes interrogées estiment que « leur voix compte dans l’Union européenne ». Enfin, le taux d’abstention n’a cessé d’augmenter aux élections européennes, passant de 38 % en 1979, à plus de 57 % en 2014. Dans tous les cas, ces chiffres interpellent.
A quelles conditions ce sentiment pourrait-il se renforcer ? Peut-il se construire de la même façon qu’il l’a fait dans le cadre des Etats-nations ?La question est d’abord de savoir s’il faut qu’il se renforce. Il ne va pas de soi que c’est ce qui manque avant tout à l’Europe actuellement. Au niveau national, ou infranational, le sentiment d’appartenance semble en effet plus assuré, mais il n’apparaît pas tellement plus à même de réconcilier le citoyen avec la politique. Par ailleurs, le sentiment d’appartenance ne se décrète pas. « On ne change pas d’identité comme on change de chemise », comme l’a écrit le sociologue Norbert Elias.
AFP.