Les deux grands partis britanniques sanctionnés dans les urnes
2019-05-03 21:51:54
Les municipales ont vu, jeudi, le recul des tories et du Labour, en raison de leur incapacité à mener à bien le Brexit.
Après des mois d’intenses luttes internes et de déchirements permanents, les deux grands partis traditionnels britanniques paient le prix électoral de leur débâcle sur le Brexit. Les élections locales, qui se déroulaient jeudi 2 mai dans la plupart des provinces d’Angleterre (hormis Londres) et en Irlande du Nord, représentent un sérieux avertissement pour le parti conservateur, comme c’était attendu, mais aussi, dans une moindre mesure, pour les travaillistes.
Labour et Tories obtiennent chacun 28% des voix, selon les projections de la BBC. Ce n’est que la deuxième fois de l’histoire que les deux grands partis sont en même temps sous la barre des 30%, le précédent remontant à 2013. Les grands bénéficiaires de ces élections sont les libéraux-démocrates, à 19%. Leur positionnement clairement anti-Brexit semble avoir payé. Les Verts, eux aussi anti-Brexit, progressent.
« On savait que les électeurs étaient mécontents de la façon dont les tories s’occupaient du Brexit, mais il apparaît qu’ils ne sont pas heureux non plus de la réponse que le parti travailliste y a apporté, analyse John Curtice, politologue à l’université de Strathclyde. Les électeurs désertent le système des partis traditionnels. »
Nigel Farage en tête des sondagesCe n’est peut-être qu’un coup de semonce. Les élections européennes, qui se tiendront dans trois semaines, sauf accord de dernière minute sur le Brexit, s’annoncent catastrophiques pour les deux principaux partis et ouvrent un boulevard à toutes les alternatives. En particulier, le nouveau Parti du Brexit, créé par Nigel Farage, est en tête des sondages, oscillant entre 27 % et 30 % de soutien seulement trois mois après sa création. Pour de nombreux Britanniques, l’idée de voter pour des députés européens presque trois ans après avoir choisi par référendum de quitter l’Union européenne est inadmissible.
Selon les résultats de la majorité des autorités locales, vendredi après-midi, les conservateurs perdaient près de 1 100 sièges de conseillers municipaux, par rapport au scrutin de 2015, sur environ 6 100 déjà comptés, tandis que les travaillistes reculaient de près d’une centaine de sièges. Face à eux, tous les autres progressaient : libéraux-démocrates, Verts, mais aussi de nombreux candidats sans étiquette.
Les nouveaux partis, celui de M. Farage mais aussi Change UK, un nouveau groupe anti-Brexit, ne présentaient pas de candidats, se concentrant sur les élections européennes.
La sanction met la pression sur les leaders des deux grands partis, selon deux grandes fractures géographiques. Dans le Sud, les conservateurs, traditionnellement très présents, reculent lourdement. Les électeurs sanctionnent l’implosion des tories, qui s’est étalée à la vue de tous lors des interminables débats à la Chambre des communes ces derniers mois. « Ce qu’ils nous disent est qu’ils avaient voté pour le Brexit et qu’ils veulent qu’on s’exécute », reconnaît Helen Whately, vice-présidente du parti conservateur.
Les appels à la démission de Theresa May se sont une nouvelle fois renouvelés vendredi. « Il faut changer la direction du parti, peut-être que le moment est venu », attaque Priti Patel, une ancienne ministre conservatrice pro-Brexit. La Première ministre s’est fait huer vendredi à une conférence de conservateurs au Pays-de-Galles par un militant, qui appelait à sa démission.
Dans le nord de l’Angleterre, bastion traditionnel des travaillistes, qui ont voté en majorité pour le Brexit, le Labour a lui aussi souffert. « Le message qu’on entend des électeurs est qu’ils ne sont pas contents de notre position sur le Brexit, reconnaît Steve Houghton, le maire de Barnsley, petite ville près de Leeds. Ils nous disent qu’il faut qu’on change. »
L’ambiguïté permanente de Jeremy Corbyn semble sanctionnée. Cet eurosceptique historique oscille entre la pression de ses membres – 80 % sont contre le Brexit – et le vote pro-Brexit des classes populaires, son soutien traditionnel. « Il y a deux principes opposés et nous essayons de les garder en tension, reconnaît Barry Gardiner, un ténor du Parti travailliste. Nous pensons qu’il est possible de réconcilier les deux mais, si le parti semble parler avec deux voix, le message est difficile à faire passer. »
Etrange campagne d’une élection inimaginableLes déchirements internes des deux formations expliquent l’étrange campagne en vue d’un scrutin européen longtemps inimaginable. A trois semaines du vote, les préparatifs n’ont pas commencé. Les tories n’ont même pas publié de programme et continuent de vouloir croire qu’ils pourront éviter le scrutin.
« Notre priorité est de ne pas avoir ces élections, explique Brandon Lewis, le président des conservateurs. Nous devons tout faire pour respecter le résultat du référendum de 2016. »
AFP.