Brexit : de plus en plus de Britanniques demandent la nationalité française

  • 2019-05-17 23:41:27
En 2018, 543 personnes ont acquis la nationalité française au Royaume-Uni, une manière pour eux de conserver une nationalité et une identité européennes. Voilà bientôt trois ans que les Britanniques ont voté pour le Brexit, mais la colère d’Helen et Jean-Marc Trouille, un couple franco-britannique, reste bouillonnante. « Je suis furieuse. On a trois enfants binationaux, l’un d’eux travaille même à la Commission européenne, un autre a passé deux ans au Portugal, nous-mêmes avons aussi habité en Allemagne. Ce vote a été le rejet de ma famille. Mes enfants se sont sentis trahis », explique Helen. En cette journée d’avril, le couple, qui habite depuis trente-deux ans dans le Yorkshire, dans le nord de l’Angleterre, est venu au consulat de France à Londres. Il a chanté, ému, La Marseillaise. Avec une vingtaine de personnes, Helen, Britannique, a pris la nationalité française. « La grande majorité d’entre vous est aujourd’hui constituée de Britanniques, une tendance qui a étrangement augmenté depuis quelques années », déclare, pince-sans-rire, Guillaume Bazard, le consul qui préside la cérémonie de naturalisation. Il cite une phrase du premier ministre, Edouard Philippe : « Aujourd’hui, vous n’acquérez pas une citoyenneté mais deux, en vérité, puisqu’en devenant citoyen français, vous devenez citoyen européen. » « Prêts à quitter le pays »Avant le référendum sur le Brexit, le consulat français de Londres pratiquait la naturalisation de 120 personnes par an, essentiellement des non-Britanniques mariés à des Français. En 2018, 543 personnes ont reçu la nationalité française, des Britanniques pour 60 % d’entre eux. Une manière pour eux de conserver une nationalité et une identité européennes. « Je veux garder cette idée d’ouverture, continue Helen dans un français impeccable. J’ai du mal à accepter ce qu’il se passe dans mon pays actuellement. » Robyn Wittersheim a connu le même choc au lendemain du référendum de 2016. Mariée à un Français avec deux enfants en bas âge, elle qui a vécu un an à Strasbourg lors d’un échange Erasmus « veut rester européenne » : « J’avais la chair de poule en chantant La Marseillaise, je me suis surprise moi-même. » Mais, au symbolisme de sa naturalisation, elle ajoute des considérations pratiques : « Avec le Brexit, mon mari est soudain devenu un immigrant, et non pas un Européen qui a le droit automatique de résidence au Royaume-Uni. Désormais, il faut qu’on soit prêts à quitter le pays si cela devient nécessaire. » Le couple, qui habite à Manchester, sait bien que son droit de résidence n’est pour l’instant pas mis en cause, mais il s’agit d’une précaution. Pour Peter Alfandary, citoyen britannique, la naturalisation est avant tout symbolique. Ce Britannique qui a fait sa scolarité au lycée français de Londres n’est pas marié à une Française, mais a obtenu la nationalité au nom de son action pour la communauté française, où il est très actif. Il a par ailleurs la Légion d’honneur. « A l’âge de 7 ans, j’avais chanté La Marseillaise quand de Gaulle était venu en visite à Londres, raconte-t-il. J’aurais tôt ou tard demandé un passeport français, mais le Brexit a accéléré ma décision. L’idée de ne pas avoir un passeport européen était inimaginable. » Pour chacun des couples présents, la question se pose aussi à l’envers : le conjoint français va-t-il prendre la nationalité britannique ? Les opinions sont divisées. « Je refuse de demander la naturalisation d’un pays qui a rejeté l’UE », répond, sans la moindre hésitation, Jean-Marc Trouille. Jean-François Bristow Fava-Verde, 67 ans, a fait le choix inverse. Après quarante ans de mariage avec sa femme, Amanda, il s’est dit qu’il était finalement plus sûr d’avoir les deux nationalités. « Mais il a fallu du temps pour digérer le Brexit », précise-t-il.  

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