Entre Merkel et Macron, désaccords annoncés sur le choix des dirigeants européens

  • 2019-05-28 23:33:18
Au surlendemain des européennes, les Vingt-Huit réfléchissent à la délicate succession de Jean-Claude Juncker, le président de la Commission, laquelle oppose le président français à la chancelière allemande. La question agite beaucoup les milieux bruxellois depuis le début de l’année, mais les discussions sont rentrées dans le dur après les résultats des élections européennes, dès le dimanche 26 mai au soir. Qui remplacera le Luxembourgeois Jean-Claude Juncker à la tête de la Commission européenne, Donald Tusk au Conseil (les Etats membres), Antonio Tajani au Parlement européen, la chef de la diplomatie Federica Mogherini, et même Mario Draghi à la tête de la Banque centrale européenne ? Les enjeux de ce mercato sont considérables, et au Parlement les principaux groupes politiques (les conservateurs du PPE, les sociaux-démocrates du PES, les libéraux de l’ALDE et les Verts) ont bien l’intention de peser sur les décisions. Le traité de Lisbonne précise, en effet, que les dirigeants de l’UE doivent « tenir compte » du résultat des élections. Ils refusent, cependant, d’être complètement liés par celui-ci. Le sujet du président de la Commission européenne doit être évoqué mardi soir au cours d’un dîner par les 28 chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE à l’occasion d’un sommet informel. Les candidats officielsLe PPE et le PES ont pris les devants en espérant reconduire un système importé d’Allemagne, celui des « spitzenkandidaten » (têtes de liste), qui avait permis à Jean-Claude Juncker, gagnant des élections avec le PPE, d’être désigné en 2014. Cette fois, les deux principaux partis de l’hémicycle ont désigné leur candidat dès l’automne 2018. Le PPE a choisi Manfred Weber, un Bavarois de 46 ans, qui a fait toute sa carrière politique comme eurodéputé, depuis 2004. Il est sérieux, mais souffre d’un déficit de notoriété et du fait qu’il n’a jamais exercé de responsabilité gouvernementale, alors que le président de la Commission a rang de chef d’Etat ou de gouvernement. Sa famille politique est par ailleurs affaiblie par la perte d’une trentaine de sièges, dimanche. Et, surtout, Emmanuel Macron tente de faire dérailler sa candidature. Au risque d’une confrontation avec Berlin ? Angela Merkel a pris son temps, mais, vendredi 24 mai, la chancelière a soutenu sans ambiguïté M. Weber, lors d’un dernier meeting de la CSU-CDU, à Munich. Le PES, lui, a désigné le Néerlandais Frans Timmermans, 58 ans, pour porter ses couleurs. L’actuel premier vice-président de la Commission est un homme d’expérience et un brillant orateur (en sept langues), ainsi qu’un fervent défenseur des valeurs européennes. Il a assuré à son parti, le PVDA, un beau succès aux Pays-Bas, mais, globalement, les sociaux-démocrates européens ont subi un revers électoral, ce qui amoindrit les chances de leur spitzenkandidat. M. Timmermans pourrait, en outre, subir un tir de barrage de la part des dirigeants de l’Est, hongrois et polonais notamment, qui ont très peu apprécié son zèle à faire respecter l’Etat de droit chez eux. Ses chances semblent donc faibles pour la Commission, mais, aux yeux de beaucoup, il ferait un parfait chef de la diplomatie européenne. Les libéraux et démocrates ont, eux, choisi une solution médiane difficilement lisible. Espérant le ralliement d’Emmanuel Macron, hostile au principe des têtes de liste, ils ont du coup désigné un panel de candidats incluant l’actuelle commissaire à la concurrence, la Danoise Margrethe Vestager, 51 ans. Cette responsable charismatique a fait preuve de détermination face aux géants américains du numérique, en traquant les infractions aux règles de la concurrence et les pratiques d’évasion fiscale trop massives. Incarnant une nouvelle génération, elle pourrait, en outre, féminiser une fonction systématiquement occupée par un homme issu d’un pays de l’Ouest : treize d’entre eux se sont succédé depuis janvier 1958… Mme Vestager apparaît de plus en plus comme l’une des favorites de la Macronie. En arrivant au Conseil européen mardi, Emmanuel Macron a une nouvelle fois exclu de soutenir la candidature de l’Allemand Manfred Weber pour la présidence de la Commission. Mme Vestager, M. Timmermans et le Français Michel Barnier (chargé du Brexit), « comme d’autres, ont la compétence » pour cette fonction, a-t-il lancé, refusant donc de citer le nom du candidat du PPE. « Je ne veux pas de débat sur les noms mais sur les projets, les priorités et les critères de nomination au dîner de mardi », a précisé M. Macron. « Ce que nous souhaitons, c’est que le principe du Spitzenkandidat ne s’impose pas », décrypte-t-on dans l’entourage du chef de l’Etat. Quelques minutes plus tôt, Angela Merkel avait pour sa part déclaré : « En tant que membre du PPE, je vais évidemment travailler à soutenir la candidature de Manfred Weber. »

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