Allemagne : Merkel veut continuer à gouverner avec le SPD, malgré la crise politique
2019-06-03 00:06:02
La chef du Parti social-démocrate, membre de la « grande coalition », a annoncé sa démission dimanche à la suite de la débâcle enregistrée par son parti aux élections européennes.
Angela Merkel souhaite continuer à gouverner avec le Parti social-démocrate (SPD). Quelques heures après la démission surprise d’Andrea Nahles de la présidence du SPD, la chancelière allemande est venue le dire à la presse, dimanche après-midi, depuis le siège de son propre parti, l’Union chrétienne-démocrate (CDU), à Berlin. « Nous allons poursuivre le travail au sein de la “grande coalition” avec beaucoup de sérieux et un grand sens des responsabilités », a assuré Mme Merkel, le ton grave, dans une allocution d’à peine deux minutes non suivie de questions.
Cette déclaration de la chancelière, peu habituée aux prises de parole précipitées, en dit long sur l’incertitude qui pèse sur l’avenir de son gouvernement, une semaine après des élections européennes douloureuses pour les deux partis de sa coalition. Dimanche 26 mai, la CDU-CSU est certes arrivée en tête du scrutin, mais elle n’a obtenu que 28,9 % des voix (−6,4 points par rapport à 2014). Pour les sociaux-démocrates, la déroute a été encore plus sévère. Avec 15,8 % des voix, le SPD a non seulement reculé de 11,5 points par rapport aux européennes de 2014, mais il a aussi, pour la première fois de son histoire, été devancé par les Verts à l’échelle nationale.
A cette humiliation s’en est ajoutée une autre : le 26 mai, le SPD est arrivé en deuxième position derrière la CDU aux élections locales à Brême. Du jamais vu en soixante-treize ans dans ce petit Land du nord de l’Allemagne considéré comme un bastion imprenable de la social-démocratie. L’incertitude domine en Allemagne.
Dimanche 2 juin, moins d’une semaine après cette débâcle, Andrea Nahles en a donc tiré les conclusions en annonçant son départ à la fois de la présidence du parti et de celle du groupe parlementaire. « Les débats à l’intérieur du groupe et de nombreux retours venus de l’intérieur du parti m’ont convaincue que je ne dispose plus du soutien nécessaire à l’exercice de mes fonctions », a-t-elle écrit dans une lettre aux adhérents du SPD.
Cette décision a pris tout le monde de court. Deux jours après les élections européennes, Mme Nahles avait certes annoncé qu’elle remettrait en jeu son mandat de présidente du groupe SPD au Bundestag, fonction qu’elle occupe depuis septembre 2017. Le vote devait avoir lieu mardi 4 juin, et Mme Nahles, qui comptait être à nouveau candidate, espérait qu’une victoire au sein du groupe parlementaire restaurerait son autorité à la tête du parti. C’est l’inverse qui s’est produit.
« On va leur en mettre plein la gueule »Agée de 48 ans, Andrea Nahles, première femme présidente du SPD, n’aura donc tenu qu’un peu plus d’un an à la tête du parti. Elle y avait été élue en avril 2018 après une autre démission précipitée, celle de Martin Schulz, poussé lui aussi vers la sortie après la défaite historique des législatives de septembre 2017, lors desquelles les sociaux-démocrates n’avaient recueilli que 20,5 % des voix. Du jamais vu depuis la guerre.
Quelles seront les conséquences du départ de Mme Nahles sur la « grande coalition » au pouvoir à Berlin ? C’est la grande inconnue. Ministre du travail de 2013 à 2017, Mme Nahles avait juré, après la débâcle des législatives de 2017, que son parti ne gouvernerait plus avec la CDU. « On va leur en mettre plein la gueule », avait-elle promis à l’époque. Quatre mois plus tard, après que Mme Merkel eut échoué à former une coalition dite « jamaïcaine » avec les libéraux et les Verts, Mme Nahles avait spectaculairement changé d’avis en devenant, du jour au lendemain, l’avocate la plus ardente d’un retour du SPD au gouvernement…
Depuis, le SPD a continué d’aller de déboires en déboires. Aux élections régionales d’octobre 2018, en Bavière et en Hesse, le parti a reculé de 10,9 points. Aux européennes du 26 mai, il a chuté de 11,5 points. A chaque fois, c’est le même scénario : les conservateurs baissent mais arrivent en tête, les sociaux-démocrates s’effondrent et les écologistes montent en force en leur prenant la deuxième place.
S’il sanctionne une stratégie et s’il marque l’échec d’une personnalité qui, par ses erreurs, n’a pas su s’imposer à la tête d’un parti dont la déroute a toutefois commencé bien avant qu’elle n’en prenne les rênes, le départ de Mme Nahles est incontestablement un immense saut vers l’inconnu. Car si la présidente du parti était très contestée, et ce dès avant les européennes, aucune personnalité ne s’est imposée pour incarner une relève.