Pologne : un symbole du catholicisme en proie à un scandale pédophile
2019-08-01 17:54:30
A Lichen, une congrégation a retiré la statue de son fondateur, le père Eugeniusz Makulski, accusé de pédophilie. Tout en continuant de défendre son silence.
La basilique de Lichen émerge de la campagne polonaise, dépaysante, mystique et majestueuse, tel un palais des mille et une nuits. Au milieu de champs, de forêts et de lacs, ses teintes dorées se marient avec les couleurs des champs de blé environnants. Construit grâce aux dons de fidèles en dix années à peine, achevé en 2004, c’est le plus grand édifice religieux de Pologne, le huitième d’Europe et le douzième au monde. Il accueille chaque année un million de pèlerins. « Ici, Dieu est polonais », affirme-t-on. Après tout, pour beaucoup de croyants, dans un pays où plus de 40 % de la population est pratiquante, Jésus est roi de Pologne.
Lichen est l’un des symboles du catholicisme polonais. Un symbole qui, depuis deux mois, se trouve au cœur de la tourmente des scandales pédophiles qui secouent l’Eglise polonaise. La parution, le 11 mai, du film documentaire « Seulement, ne le dis à personne », dévoilant le caractère systémique du problème en Pologne, l’impunité des agresseurs et la complicité des hiérarques, a créé un électrochoc sans précédent dans l’opinion publique. Le film comptabilisait 12 millions de vues sur Internet quarante-huit heures après sa parution. Il en compte 22,7 millions aujourd’hui.
La basilique de Lichen, en Pologne, le 15 juillet.Un des héros noirs du film est le père Eugeniusz Makulski, père supérieur de Lichen de 1966 à 2004, concepteur et grand artisan de la basilique. Ses penchants pédophiles sont décrits de manière glaçante par une de ses victimes, aujourd’hui prêtre et âgé d’une cinquantaine d’années. Selon une correspondance entre la victime et son agresseur, dont Le Monde a pris connaissance, le Vatican aurait confirmé ces accusations en 2014. Aujourd’hui, l’homme de 91 ans, dans un état de santé très fragile, séjourne dans un lieu inconnu.
Symbole de tailleAprès le père Henryk Jankowski, chapelain emblématique du syndicat Solidarnosc et confesseur de Lech Walesa, c’est la deuxième icône du catholicisme polonais qui, en l’espace de quelques mois, tombe de son piédestal, pour les mêmes raisons. Devant la basilique, l’imposante statue qui représente le père Makulski à genoux, offrant la basilique de Lichen à Jean Paul II, a immédiatement été recouverte d’une bâche. Un symbole de taille : c’est la première fois en Pologne qu’une statue de Jean Paul II, saint parmi les saints, a ainsi été recouverte.AFP