A Moscou, 828 arrestations à la nouvelle manifestation de l’opposition
2019-08-03 20:08:38
Une semaine après un rassemblement qui s’était soldé par l’arrestation de 1 400 personnes dont les principales figures du mouvement, l’opposition ne désarme pas.
Rarement mouvement de contestation n’aura autant inquiété le Kremlin ces dernières années. L’opposition russe appelait à nouveau à manifester, samedi 3 août, pour dénoncer le refoulement de ses candidats aux élections locales de septembre. Le rassemblement – non autorisé – était surveillé par un important dispositif policier. En fin de journée, 828 personnes avaient été interpellées, selon l’ONG OVD-Info, spécialisée dans le suivi des arrestations.
L’opposition avait pourtant relativement peu mobilisé samedi, réunissant environ 1 500 personnes dans le centre de Moscou sous une pluie fine. Et pour cause : la manifestation se déroule sans leader puisque les arrestations et les condamnations se sont multipliées depuis la manifestation du week-end dernier, qui s’était soldée par près de 1 400 interpellations. Un chiffre inédit depuis le retour du président Vladimir Poutine au Kremlin en 2012.
Opposants en prisonLes autorités semblent cette fois déterminées à écraser dans l’œuf le mouvement de contestation. Dernière opposante d’envergure encore en liberté, Lioubov Sobol, une avocate de 31 ans, a été interpellée quelques minutes avant le début de la manifestation. « Les autorités font tout ce qu’elles peuvent pour essayer d’intimider l’opposition, pour s’assurer que les gens ne sortent pas dans la rue pour protester pacifiquement », a-t-elle déclaré avant son arrestation. En grève de la faim depuis trois semaines, elle a jusqu’ici échappé à la prison, notamment parce qu’elle a un enfant en bas âge. Samedi soir, elle a été frappée d’une amende de 300 000 roubles (4 130 euros) pour participation à un rassemblement le 15 juillet, selon ses proches.
Selon les rares médias qui couvrent la manifestation, l’acteur Alexander Pal et le candidat à la Douma de Moscou, Andrei Orel, font aussi partie des personnes arrêtées. Des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux montraient la violence des forces de l’ordre :
Amnesty International a condamné un « usage non nécessaire et excessif de la force » ainsi que des tentatives « non fondées » de présenter des manifestations pacifiques comme une insurrection.
L’organisation de Navalny viséeLe principal opposant au Kremlin, le blogueur anticorruption Alexeï Navalny, est aussi derrière les barreaux depuis le 24 juillet et pour une durée de trente jours. Hospitalisé le week-end dernier pour une « grave réaction allergique » avant d’être renvoyé en cellule, il a saisi la justice pour un possible « empoisonnement ».
Resserrant l’étau autour du principal opposant au Kremlin, la justice russe a annoncé samedi l’ouverture d’une enquête pour « blanchiment » contre son organisation, le Fonds de lutte contre la corruption, à l’origine de nombreuses enquêtes sur le train de vie et les combines des élites. L’homme est accusé d’avoir utilisé son Fonds de lutte contre la corruption pour toucher près d’un milliard de roubles (13,8 millions d’euros).
La plupart de ses alliés et des autres meneurs de la contestation ont eux aussi écopé de courtes peines de détention, comme plusieurs candidats de l’opposition refoulés des élections locales de septembre tels qu’Ilia Iachine, Ivan Jdanov et Dmitri Goudkov.
Accusations de corruptionCette vague de contestation a démarré après le rejet des candidatures indépendantes aux élections locales du 8 septembre, qui s’annoncent difficiles pour les candidats soutenant le pouvoir. Privée de participation à des scrutins plus importants comme la présidentielle, l’opposition s’était fortement mobilisée pour ces élections à Moscou, espérant ainsi avoir son mot à dire dans la gestion de la tentaculaire capitale russe. Si toutes les principales figures de l’opposition libérale ont été refoulées, 233 candidats, dont 62 indépendants, sont en lice pour 45 sièges de députés locaux.
Selon l’opposition, la détermination des autorités à barrer l’entrée de ses candidats au Parlement de Moscou s’explique par le fait qu’ils pourraient découvrir et dénoncer en cas de victoire les nombreux circuits de corruption et de détournement dans la gestion d’une ville au budget annuel faramineux de 38 milliards d’euros. Dans sa dernière enquête diffusée jeudi, M. Navalny a ainsi accusé l’adjointe du maire de Moscou, Natalia Sergounina, d’avoir détourné des milliards de roubles d’argent public dans la gestion du parc immobilier de la mairie.
Après une première manifestation durement réprimée le week-end dernier, les tribunaux russes ont placé 88 personnes en détention provisoire et condamné 332 autres à des amendes. Trois enquêtes pour « violences » à l’encontre de la police ont été lancées, un délit passible de cinq ans de prison.