Equateur : le couvre-feu instauré autour des lieux de pouvoir à Quito

  • 2019-10-09 19:09:07
Le président Lenin Moreno, soumis à une dure contestation pour avoir brutalement augmenté le prix de l’essence, a déplacé le siège du gouvernement dans la ville de Guayaquil. A pied et en colère, des milliers d’Indiens sont arrivés dans la capitale équatorienne, où une gigantesque manifestation était prévue ce mercredi 9 octobre. Le président Lenin Moreno, lui, a quitté Quito. Lundi, alors que les manifestants qui protestaient contre une hausse brutale du prix de l’essence commençaient à encercler son palais, le chef de l’Etat a choisi de s’installer à Guayaquil, la deuxième ville du pays, en compagnie de tout son gouvernement. M. Moreno a fait part de sa décision à la télévision, entouré du haut commandement militaire. Depuis lundi soir, dans le centre de Quito fortement militarisé, des véhicules blindés gardent un palais vide. C’est donc de Guayaquil que ­M. Moreno a décrété, mardi soir, un couvre-feu partiel à Quito. La liberté de circulation est désormais restreinte de 20 heures à 5 heures dans « les zones adjacentes aux bâtiments et aux installations stratégiques », en clair aux abords des édifices publics importants. Lundi, les manifestants, armés de bâtons, avaient forcé l’immeuble de la « Contraloria General », un organisme de contrôle de la fonction publique. Le lendemain, ils réussissaient à pénétrer jusque dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale – lui aussi déserté – avant d’en être chassés par les forces de l’ordre. « Tentative de coup d’Etat »L’Equateur est paralysé depuis maintenant six jours. Le secteur des transports a le premier réagi à l’annonce du paquet de mesures d’ajustement, adoptées en accord avec le FMI. Bus, taxis et camions – dans un pays où tout le transport de marchandises se fait par route – ont cessé leur activité jeudi. L’état d’urgence décrété par le gouvernement pour soixante jours dès le début de la grève a contribué à enflammer les esprits. Après les syndicats et les étudiants, la Confédération des nationalités indigènes (Conaie) a rejoint le mouvement vendredi. « Toutes les routes, toutes les pistes sont bloquées par des arbres, des pierres, des tas de terre ou des pneus enflammés », raconte ­Angela Camargo, une habitante de la région d’Imbabura qui, depuis le début du mouvement, est bloquée à cent kilomètres de chez elle. Les classes ont été suspendues dans tous les établissements scolaires du pays. « Il faut avancer les élections en cas de grave agitation sociale, comme celle que nous connaissons », estime l’ex-président Rafael Correa Le pays de 15 millions d’habitants n’avait pas connu une telle mobilisation populaire depuis 2005, date à laquelle la rue forçait à la démission un président en exercice pour la troisième fois en moins de dix ans. On comprend que M. Moreno se sente plus en sécurité à Guayaquil. « Sa décision est astucieuse a court terme », juge le professeur Simon Pachano. Mais le chef de l’Etat prend le risque d’attiser la colère des manifestants indiens qui se retrouvent à Quito sans interlocuteur. « Son départ pourrait être interprété comme un signe de faiblesse », ajoute l’expert en politique. La gestion de la crise par Lenin Moreno fait débat. « Ce qui arrive ces jours-ci en Equateur, ce n’est pas une manifestation sociale de mécontentement face à une décision du gouvernement », a affirmé le chef de l’Etat, en dénonçant la présence dans les cortèges « d’individus payés et organisés qui agissent avec la seule intention d’agresser et d’abîmer ».

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