Elections au Mozambique : « Si tu dis quelque chose, on te ferme aussitôt la bouche »

  • 2019-10-16 12:52:54
Treize millions d’électeurs ont été appelés aux urnes mardi 15 octobre dans un pays gouverné par le même parti, le Frelimo, depuis quarante-quatre ans. Le Mozambique a trouvé la recette pour transformer un mardi en dimanche. En ce jour d’élections générales, où treize millions d’inscrits sont appelés à se choisir un chef de l’Etat, deux cent cinquante députés et les représentants de dix assemblées provinciales, Maputo était, le 15 octobre, une ville morte. Un jour férié sur l’ensemble du pays et notamment à Matola, la banlieue travailleuse de la capitale. Ici, les jolies maisons Art déco et les jardins proprets ont été remplacés par des structures d’acier et de béton. Dans cette zone se concentrent le port et la majeure partie des industries qui cernent Maputo. Une chose en revanche ne change pas : l’omniprésence des photos du président sortant, Filipe Nyusi – selon les prédictions, il devrait être reconduit pour un mandat de cinq ans –, et des drapeaux du Front de libération du Mozambique (Frelimo) au pouvoir depuis l’indépendance, en 1975. Trouver trace d’une affiche d’Ossufo Momade, le candidat de la Résistance nationale mozambicaine (Renamo) relève du travail d’enquête. Cette invisibilité n’est pas pour autant synonyme d’impopularité. « Il est temps que cela change. C’est comme si, depuis toujours, nous buvions la même boisson. Après toutes ces années à ne boire que du Coca, laissez-nous essayer un peu le Fanta », s’amuse Daniel, dans l’attente d’effectuer son devoir d’électeur. « La santé, les transports, l’éducation sont une catastrophe et, si tu dis quelque chose, on te ferme aussitôt la bouche », ajoute ce gaillard de 35 ans qui aimerait trouver un emploi dans l’une des multinationales développant des projets gaziers dans le nord du pays. Qui gérera la manne de milliards d’euros qui promet, au mieux, de faire basculer l’économie du pays dans une autre dimension ou, au pire, de garnir les seules poches des dirigeants ? C’est là que se trouve le principal enjeu de ces élections. Des membres de la commission électorale vérifient les photos d’identité des électeurs dans une école à Beira, Mozambique, le 15 octobre.Des membres de la commission électorale vérifient les photos d’identité des électeurs dans une école à Beira, Mozambique, le 15 octobre. PATRICK MEINHARDT / AFP« Le vainqueur prend tout »A cela, Jorge, un fonctionnaire de 51 ans épris de « stabilité », rétorque, que seul le Frelimo a « l’expérience nécessaire » du fait de ses quarante-quatre années au pouvoir. « C’est grâce au Frelimo que notre pays s’est développé, mais notre retard est de la faute de la Renamo qui nous a déclaré la guerre », juge-t-il. Deux mois après sa signature, le troisième accord de paix depuis 1992 – et la fin de la guerre civile – demeure fragile. Celui-ci a été conçu pour amener le pays à ces élections et l’esprit qui l’anime est d’offrir des parts de pouvoir aux deux formations qui dominent la vie politique.

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