Non loin des installations des géants pétroliers, dans la région de Cabo Delgado, a surgi une mystérieuse insurrection djihadiste.
L’histoire retiendra peut-être que la guerre éclata au paradis le jeudi 5 octobre 2017. Avec ses eaux turquoise, ses baleines qui croisent à quelques mètres des plages de sable fin et son chapelet d’îles où Vasco de Gama aurait fait escale, la province de Cabo Delgado, dans l’extrême nord du Mozambique, a tout de l’éden touristique. Depuis la découverte, en 2010, de gigantesques réserves gazières, elle est aussi un eldorado pour les grands noms du pétrole et du gaz.
C’est ici que se jouent l’avenir de ce pays d’Afrique australe, potentiel quatrième exportateur mondial de gaz, et son entrée dans une nouvelle ère économique. Les deux principaux projets, Mozambique LNG, piloté par Total, et Rovuma LNG, par Exxon Mobil et ENI, devraient générer respectivement 25 et 30 milliards de dollars (environ 22,6 et 27,1 milliards d’euros) d’investissements. Les caisses de l’Etat, vidées par une longue guerre civile (1976-1992) suivie d’une gestion très hasardeuse, promettent de se garnir pour les vingt-cinq prochaines années par le plus grand programme industriel jamais engagé sur le continent.
C’est dans cette même province de Cabo Delgado que, le 5 octobre 2017, un petit groupe d’islamistes fit irruption au cœur de la nuit, attaquant les postes de police de Mocimboa da Praia et tenant le siège de la localité pendant quarante-huit heures. Depuis, les attaques se multiplient. Ceux qui les mènent – les chabab, les « jeunes » – ont fabriqué un petit monstre, boursouflé du poison des frustrations et des rivalités locales, qui comporte encore sa part de mystère.
Leurs actions ont aussi inscrit le Mozambique sur la carte du djihad mondial : pour la première fois, le 4 juin 2019, l’organisation Etat islamique (EI) y revendiquait une opération. Selon un communiqué authentifié par l’entreprise américaine spécialisée dans la surveillance des sites Internet islamistes SITE Intelligence Group, « les soldats du “califat” ont repoussé une attaque de l’armée des croisés mozambicaine dans le village de Metubi (…), tuant et blessant nombre d’entre eux (…). Les moudjahidine ont saisi des armes, des munitions et des roquettes comme butin ».
Pemba, la capitale provinciale, située à 2 500 kilomètres au nord de Maputo, donne un premier aperçu des mutations en cours. A l’aéroport, les touristes sud-africains venus profiter du farniente, de la plongée sous-marine et de la bière se mêlent désormais aux employés des multinationales et de leurs sous-traitants escortés des gros bras des sociétés de sécurité privée, chargés de les conduire jusqu’au site des futures installations gazières.