Les étudiants indiens en grève contre la privatisation de l’éducation
2019-11-28 15:30:05
La célèbre université Nehru de New Delhi proteste depuis un mois contre la hausse brutale des frais de scolarité et les règles disciplinaires imposées par l’administration.
La « JNU », comme l’appellent les Indiens, est en ébullition. Depuis un mois, les étudiants de l’université Jawaharlal-Nehru, à New Delhi, sont en grève pour protester contre la hausse, sans concertation, des tarifs du logement, l’introduction d’une contribution élevée aux charges de l’institution et de nouvelles règles disciplinaires sur le campus – couvre-feu après 22 h 30 et code vestimentaire.
Le prix mensuel d’une chambre est passé de 20 à 600 roupies (0,25 à 7,50 euros), les frais de fonctionnement se montent à 2 000 roupies (25 euros). Une fortune pour les plus défavorisés. Selon les syndicats, 40 % des jeunes de l’université ne pourront pas supporter ces charges et risquent d’abandonner leurs études.
Mercredi 27 novembre, l’Union des étudiants de la JNU avait appelé à une journée nationale de protestation dans tout le pays « contre la privatisation de l’éducation » en cours, et pour « une éducation abordable et accessible ». Les étudiants ont formé une chaîne humaine à Connaught Place, dans le centre de la capitale, et plusieurs universités d’autres Etats ont apporté leur soutien au mouvement. Mais les étudiants de la JNU étaient beaucoup moins nombreux que le 18 novembre, lorsqu’ils avaient manifesté aux abords du Parlement. Ils avaient été brutalement stoppés par les forces de police. De nombreux manifestants avaient été blessés ou arrêtés.
Pour tenter d’éteindre l’incendie, le gouvernement a mis en place un panel d’experts qui ont préconisé d’amender les mesures prises par l’administration de l’université. En réponse, celle-ci a accepté de remiser le principe d’un couvre-feu, et consenti une baisse de moitié des charges, mais elle a maintenu le tarif des chambres. Inacceptable pour les représentants des étudiants.
Climat de défiance
L’université Nehru, fondée au milieu des années 1960, est un symbole. Lieu de formation des élites du pays, connu pour être de gauche, l’établissement, qui compte un peu plus de 7 000 inscrits, a été longtemps un modèle, un espace de débats et de liberté d’expression et un pôle d’excellence dans les sciences humaines. Beaucoup d’étudiants pauvres des Etats du Bihar ou de l’Uttar Pradesh ont pu y accéder, grâce à une politique volontariste et à un système efficace de bourses. Elle a été la cible des nationalistes hindous dès leur arrivée au pouvoir, en 2014.
En 2016, le premier ministre, Narendra Modi, a fait nommer, à la tête de l’université, un proche qui a développé une politique extrêmement régressive, coupé dans les budgets et remplacé de nombreux professeurs. Le syndicat des étudiants proche du Parti du peuple indien (BJP, au pouvoir) s’est érigé en véritable milice pour faire la loi sur le campus. Régulièrement, sur les réseaux sociaux, les étudiants de la JNU sont pris pour cible par les trolls du BJP, traités de « paresseux » qui « survivent avec l’argent des contribuables ».