Elections au Royaume-Uni : « La ratification de l’accord de Brexit ne fait plus de doute »
2019-12-13 20:37:25
Philippe Bernard, éditorialiste au « Monde » et ancien correspondant à Londres, a répondu aux questions des internautes sur les élections générales au Royaume-Uni.
Pour mieux comprendre les résultats des élections générales au Royaume-Uni, les enseignements pour la politique britannique et les prochaines étapes du Brexit, Philippe Bernard, éditorialiste au Monde et ancien correspondant à Londres, a répondu aux questions des internautes du Monde.fr, vendredi.
Axelle : Après la victoire des conservateurs et une promesse de Brexit pour le 31 janvier, quelles sont les prochaines étapes pour Boris Johnson ?
Philippe Bernard : L’unique date fixée est celle du 31 janvier 2020, terme du délai supplémentaire accordé par l’UE au Royaume-Uni après que Londres a manqué la précédente date butoir du 29 mars 2019. Après sa victoire électorale, Boris Johnson va faire ratifier par les députés l’accord qu’il a renégocié avec l’UE. Cela devrait intervenir d’ici à janvier. Une fois que le Parlement européen aura lui-même ratifié le texte, la rupture au moins juridique sera consommée.
Etant donné le résultat des élections législatives d’hier qui donne une très nette majorité (364 sièges sur 650) aux conservateurs, la ratification de l’accord du Brexit ne fait plus de doute. Le slogan phare de campagne de Boris Johnson, « Réalisons le Brexit », lui a permis de rallier 70 % des électeurs pro-Brexit. Le Parti conservateur lui-même, longtemps divisé sur l’Europe, est devenu le Parti du Brexit.
Brexit vous avez dit Brexit : Comment cette sortie va-t-elle se traduire pour la circulation des personnes et des biens ? Un visa sera-t-il nécessaire pour aller en Grande-Bretagne ?
L’un des trois volets de l’accord de Brexit qui va être prochainement ratifié par le parlement de Westminster est consacré au sort des Britanniques résidant sur le continent, aux Européens établis au Royaume-Uni et aux échanges. Les droits des uns et des autres devraient être préservés. Non, un visa ne sera pas utile pour se rendre au Royaume-Uni. Mais si l’Europe institue une procédure de déclaration comme il en existe avec les Etats-Unis (ESTA), il est probable que Londres exigera réciproquement le même genre de formalité. Le Royaume-Uni n’appartient déjà pas à l’espace Schengen, donc les formalités ne devraient guère changer.
Bertrand : A quoi les citoyens européens vivant au Royaume-Uni peuvent-ils s’attendre dans les prochains mois ?
Les 3,8 millions d’Européens (dont 200 000 à 300 000 ressortissants français) qui vivent au Royaume-Uni vont changer de statut. Eux qui avaient jusqu’à présent le droit automatique de résider et de travailler dans ce pays doivent s’enregistrer pour « régulariser » leur situation et acquérir le settled status (littéralement : le « statut d’installé »), sorte de droit de résidence conçu spécialement pour les Européens vivant outre-Manche. L’accord signé entre Londres et Bruxelles prévoit que l’enregistrement se fasse d’ici à la fin de la période de transition, le 31 décembre 2020.
Vince : Comment interpréter cette très large victoire des conservateurs ?
La victoire des conservateurs est politiquement massive, même si elle apparaît minime en pourcentage (+ 1,2 % des voix par rapport aux élections de 2017). Les tories ont gagné en se transformant en « parti du Brexit » et en ralliant non seulement leurs électeurs traditionnels mais une partie de l’électorat travailliste des circonscriptions populaires du nord de l’Angleterre acquis au Labour depuis des décennies. Les conservateurs vont disposer de la plus forte majorité depuis Margaret Thatcher en 1987.
Le Labour de Jeremy Corbyn, lui, essuie sa pire défaite depuis les élections de… 1935. Le paradoxe est cependant que le total des voix pro-Brexit (Parti conservateur et Brexit Party), qui est de 47 %, est inférieur au total des voix (53 %) qui se sont portées sur l’ensemble des formations favorables à un second référendum (Labour, LibDem, SNP, Greens). Implacable, le système électoral britannique à un seul tour écrase les petits partis. Si la question du Brexit avait été tranchée par un nouveau référendum plutôt que par des élections législatives, le résultat aurait été différent. Le camp proeuropéen est victime de sa division.