Sciences économiques : « Les nominations au Conseil national des universités se conforment à un seul courant de pensée »

  • 2019-12-23 11:24:06
Un collectif d’une centaine d’universitaires, parmi lesquels Aurore Lalucq, Pierre Khalfa, Gérard Filoche et Henri Sterdyniak, s’élève contre le manque de pluralisme des nominations effectuées par le ministère de la recherche dans la section « Economie » du Conseil national des universités, en charge des recrutements et des carrières de la discipline. Le mardi 26 novembre, le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation a fait paraître la liste des nominations pour le Conseil national des universités (CNU). Ce conseil est composé de deux tiers de représentants élus par les enseignants-chercheurs et d’un tiers de nommés par le ministère. Son rôle est crucial dans le recrutement et la carrière des enseignants-chercheurs. Dans la section des sciences économiques – la section 05 –, les titulaires nommés se conforment toutes et tous à un seul courant de pensée, ce qui n’est pas du tout représentatif du résultat des élections. Or, selon le décret relatif au CNU, « les nominations concourent à l’objectif de représentation équilibrée ». Suprématie des marchés En effet, la section « a vocation à assurer la représentation équilibrée de la diversité du champ disciplinaire concerné (…) » (article 3 du décret 92-70 du 16 janvier 1992). L’équilibre au sein de la section a été profondément rompu par ces nominations. Ce manque de pluralisme nous semble mettre en danger la capacité de la discipline économique à offrir des solutions pour les enjeux d’avenir, notamment face aux besoins sociaux, économiques et écologiques récents. Ces nominations nous concernent toutes et tous, puisqu’elles vont influencer la façon dont nos enfants apprendront l’économie dans nos universités, et aussi comment la recherche va porter son regard sur les politiques publiques et le fonctionnement de l’économie en France. Par exemple, la crise de 2008 nous a montré que l’économie néoclassique au sens large, courant dominant favorisé par ces nominations, n’était pas capable d’en expliquer les causes. De même, cette vision dominante de l’économie reste en retrait sur les problématiques du changement climatique et de la destruction de la biodiversité de notre planète ou sur les autres crises sociales que notre pays connaît, notamment celle des « gilets jaunes ». Ce manque de pluralisme doit ainsi alerter la communauté scientifique dans son ensemble, au-delà de l’économie. En effet, ces nominations font la part belle à des travaux dont le raisonnement repose sur la suprématie des marchés, sur la rationalité des agents et ayant pour finalité l’optimisation d’un critère unique, celui du surplus économique. Certes, les approches méthodologiques employées, essentiellement mathématiques et micro-fondées, aussi bien que le vaste panel de problématiques soulevées, présentent toutes un intérêt.

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