A Alger, Ahmed Gaïd Salah n’est plus, mais le Hirak ne rend pas son dernier souffle
2019-12-29 16:55:52
En dépit des têtes qui changent au sommet de l’Etat, la foule rassemblée dans la capitale pour un 45e vendredi consécutif maintient la pression sur l’exécutif.
Au milieu de la foule, il y a cet homme, la cinquantaine, voire plus, le dos courbé, le visage épuisé. D’une main, il tient sa canne, de l’autre une simple feuille, qui semble peser une tonne et sur laquelle on peut lire : « Primauté du politique sur le militaire. » Combien étaient-ils à Alger, ce vendredi 27 décembre, à porter ce message-là sur leurs torses, leurs poussettes ou leurs pancartes en carton ? Des dizaines de milliers de personnes, peut-être des centaines ?
Une nouvelle fois, une immense foule – moins dense pourtant que lors de précédentes manifestations – continue d’occuper le bitume du centre-ville pour exiger le départ du « système ». « Les généraux à la poubelle », « pouvoir assassin » ont résonné au cœur de la capitale et ailleurs en Algérie. « Pas de marche arrière », ont clamé ces manifestants qui se sentent toujours portés par le Hirak, le mouvement populaire qui, depuis le 22 février, secoue ce vaste pays. « C’est le quarante-cinquième vendredi consécutif qu’on sort, c’est du jamais- vu », s’émerveille Mohamed, la quarantaine.
Cette marche avait quelque chose de particulier : c’était la première depuis la mort du général Ahmed Gaïd Salah (« AGS »), chef d’état-major des armées, et homme fort du pays depuis la chute d’Abdelaziz Bouteflika, le 2 avril.
Ses funérailles – dignes d’un président de la République – ont rassemblé à Alger, le 25 décembre, plusieurs milliers de partisans. « Ça m’a surpris », concède un homme d’une cinquantaine d’années. « Pour moi, l’enterrement a mobilisé l’appareil d’Etat. Les gens sont venus de l’intérieur du pays par bus de différentes wilayas [préfectures], pense-t-il. On a eu l’habitude de ce genre de manipulation sous Bouteflika pour remplir ses meetings. »
Un autre marcheur assure, au contraire, qu’il n’y avait rien d’anormal à assister à l’hommage public : « On est musulman, on respecte la mort. Gaïd Salah est retourné à son créateur, il n’y a que Lui qui peut le juger. Chacun est libre de choisir son camp mais nous, on va marcher pacifiquement jusqu’à la liberté. »