Incendies en Australie : « Les pompiers sont parfois au feu depuis trois mois, c’est une sollicitation énorme »

  • 2020-01-17 18:34:52
Pierre Schaller, colonel des sapeurs-pompiers et membre de la mission de cinq experts délégués par la France, tout juste rentré de Canberra, a répondu à vos questions. Tout juste rentré de Canberra, Pierre Schaller, colonel des sapeurs-pompiers et membre de la mission de cinq experts délégués par la France, a répondu à vos questions sur la situation en Australie et sur le travail des « soldats du feu » sur place. Malgré sa longue expérience des incendies, il n’imaginait pas faire face à un tel phénomène. Charlotte : La France avait proposé son aide ainsi que le groupe de pompiers qui partent d’habitude sur les gros problèmes à l’étranger. L’Australie a-t-elle accepté cette aide ? Où en est-on ? Nous avons joui d’une situation privilégiée, le gouvernement australien a reçu 85 offres d’assistance de la part de gouvernements étrangers. Notre offre d’expertise a été acceptée, avec celle des Anglais, des Canadiens, des Américains et des Néo-Zélandais. Nous sommes très heureux d’avoir pu participer. Ce qu’on constate, c’est qu’entre l’été austral et l’été boréal, il y a maintenant dans le temps et l’espace des incendies de forêts toute l’année, que ce soit dans l’hémisphère Nord ou l’hémisphère Sud. Cela devient un phénomène global, qui va demander une réponse globale. Les missions comme celles que nous avons menées ne peuvent qu’apporter des choses positives pour travailler ensemble. Loic : Quel a été votre apport auprès des pompiers australiens du point de vue technique pour ce feu ? Notre mission était une mission d’expertise pour voir de près et sans déformation l’organisation du gouvernement fédéral et régional, voir les techniques opérationnelles et les aides techniques que nous pourrions éventuellement apporter. La question d’un éventuel renfort est possible, mais il y a une double difficulté. D’abord, la distance : c’est compliqué d’envoyer des renforts humains et matériels aussi loin et il faut que ce soit vraiment pertinent. Ensuite, il faut étudier l’intérêt par rapport à l’immensité du territoire, auquel nous ne sommes pas habitués. Nous allons discuter des suites à donner à cette mission dans les minutes qui viennent avec le ministre de l’intérieur. Il y a un intérêt immense à faire un échange de bonnes pratiques pour apprendre mutuellement. Charlie : La plupart des pompiers australiens sont volontaires. Pensez-vous que cela ait limité l’action contre les feux (rapidité d’action, matériel…) ? C’est une constante qui rapproche encore l’Australie de la France : on retrouve un engagement volontaire très important. Mais leur professionnalisme ne peut pas être remis en question. La grosse différence, c’est sur la question du temps : ils sont parfois au feu depuis trois mois, c’est une sollicitation énorme. Pour l’instant, la question statutaire n’a pas été évoquée avec nos camarades. Loompa : Pouvez-vous nous raconter ce que vous avez vu sur place ? Factuellement, ce sont des événements d’une dimension qu’aucun d’entre nous n’avait jamais connue. Entre la représentation qu’on se fait d’une situation, par rapport à ce qu’en disent les médias, et le constat de ce qu’est vraiment un feu d’un million d’hectares, c’est vertigineux. Je pense avoir une certaine expérience du feu, et ce que j’ai vu là-bas dépasse largement ce que je pouvais imaginer. Ce qui m’a marqué, c’est qu’il y a un très bon état d’organisation du gouvernement fédéral et de chaque Etat, et ce malgré les conditions climatiques terribles, une vulnérabilité extrême des combustibles, des températures extrêmes atteignant parfois plus de 48 °C, et une sécheresse de la masse d’air impressionnante. Malgré toutes ces conditions techniques opérationnelles qui sont les plus sévères qu’on puisse imaginer, à aucun moment nous n’avons vu les structures de gestion dépassées. On a pu dire à nos collègues australiens qu’on leur tirait un immense coup de chapeau.  

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