Des rues désertes, la plupart des magasins fermés, un climat lourd de méfiance… Frédéric Lemaître, correspondant du « Monde » en Chine, témoigne de la vie quotidienne dans la capitale.
A Pékin, le temps semble s’être arrêté. En ce mardi 11 février, ce sont toujours les journaux du 20 janvier que les vitrines – elles-mêmes vestiges d’un lointain passé – continuent d’offrir à la lecture publique, dans l’avenue sans fin qui longe, au nord, le stade des Travailleurs. Il faut aller jusqu’à la 14e page de l’édition chinoise du Global Times pour y lire une information sur le coronavirus. Il n’y a aucune raison de s’inquiéter. La commission de la santé de Wuhan a annoncé la veille que « le risque de transmission du virus entre les humains n’est pas exclu mais est très faible ». Que cela semble loin !
Pour faire oublier ces semaines perdues, ces vies sacrifiées, la propagande met aujourd’hui les bouchées doubles. Quitte à créer une panique générale. Il y a des crises qui rapprochent, celle-ci divise. L’autre, voilà l’ennemi. Le passant qui ne porte pas de masque, le voisin qui a déjà ôté ses gants dans l’ascenseur, le commerçant qui a augmenté ses prix.
On peut « Etre Charlie » mais il ne vient à l’idée de personne d’« Etre Wuhan ». Venir de la province du Hubei, c’est même être pestiféré. « Dans mon immeuble, nous avons tous reçu un coup de fil pour savoir si nous avions été en contact avec un habitant du Hubei », témoigne une Pékinoise domiciliée dans l’ouest de la ville.