Au Mali, un groupe djihadiste accepte de négocier à condition que l’armée française s’en aille

  • 2020-03-10 17:33:52
Le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), affilié à Al-Qaïda, a répondu à la main tendue par le président Ibrahim Boubacar Keïta. Un mois après la proposition faite par le président malien, lors d’un entretien à France 24 et Radio France internationale (RFI), de dialoguer avec les leaders des groupes armés terroristes au Sahel, Ibrahim Boubacar Keïta a reçu une première réponse. Le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), principale alliance djihadiste de la zone, a accepté, dimanche 8 mars, par le biais d’un communiqué de son agence Az-Zallaqa, le principe d’un dialogue… à condition que les soldats français de « Barkhane » et les casques bleus de la Minusma quittent le Mali. Une exigence très certainement irréalisable au vu de la précarité sécuritaire dans laquelle elle placerait les populations. Dans sa déclaration de deux pages, rédigée en arabe et en anglais, le groupe affilié à Al-Qaïda s’annonce « prêt à démarrer les négociations avec le gouvernement malien […] afin de discuter d’une issue à ce conflit sanglant qui est entré dans sa septième année à cause de l’invasion des croisés français ». Mais il exige que Bamako « annonce publiquement la fin de la présence des troupes de l’opération “Barkhane” sur son territoire » : « Ce n’est qu’alors que […] notre peuple fier [trouvera] que nous sommes ceux qui nous soucions le plus de la paix, de la stabilité, du progrès et de l’amélioration de [ses] conditions de vie dans tous ses aspects, tels la santé, l’éducation, le logement et les opportunités d’emploi. » Mardi matin, ni le gouvernement malien ni l’état-major français n’avaient réagi à ce communiqué. A court terme, la réponse du GSIM est surtout la poursuite de l’affrontement avec les autorités maliennes sur le champ de la rhétorique. En 2019, le conflit a atteint un pic de violences et d’échecs militaires, causant la mort de 4 776 civils au Sahel de novembre 2018 à mars 2019, selon Armed Conflict Location and Event Data Project (Acled). « Il ne faut pas être dupe » Pour Jean-Hervé Jézéquel, directeur Sahel pour l’International Crisis Group, « il s’agit d’abord d’une communication d’opportunité qui joue sur la fibre anti-française et anti-élite d’une partie de la population malienne ». Le communiqué commence d’ailleurs par rappeler « les marches massives, les manifestations de colère et les sit-in réguliers demandant le départ des occupants français ainsi que des autres envahisseurs » qui ont eu lieu à Bamako ces derniers mois. « Il ne faut pas être dupe, poursuit M. Jézéquel. Son but premier est de renforcer la tension entre la population, l’Etat malien et ses alliés. » « Il est pour l’instant impensable que les Français ou l’Etat malien acceptent le départ de “Barkhane” et de la Minusma au préalable de discussions, cela mettrait la sécurité des populations en danger, confie une source. Mais il n’est pas impossible de construire sur ce premier échange et de le voir progresser vers un cessez-le-feu. » Lire aussi Au Mali, le sentiment antifrançais gagne du terrainEn 2017, l’influent Mahmoud Dicko, haut dignitaire religieux et ex-président du Haut Conseil islamique du Mali, s’était déjà rapproché les leaders djihadistes Iyad Ag Ghali (GSIM) et Amadou Koufa (katiba Macina) afin d’entamer un dialogue qui avait ensuite été désavoué par le président malien. Mahmoud Dicko, animateur de manifestations récentes exigeant le départ d’Ibrahim Boubacar Keïta, « pourrait tenter de jouer un rôle central de négociateur dans cette phase cruciale qui redéfinirait le paysage politique malien en fonction des concessions qui seront accordées aux djihadistes », avance M. Jézéquel. Reste à savoir si les deux autres principaux groupes djihadistes de la région, l’Etat islamique dans le Grand Sahara (EIGS) et Ansarul Islam, suivront cet appel au dialogue ou en profiteront pour se distinguer du GSIM.

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