Coronavirus et discriminations en Chine : l’Afrique monte au créneau
2020-04-15 18:24:59
Ces derniers jours, des Africains se sont dits victimes d’expulsions, d’interdictions d’entrer dans des commerces, de placements en quarantaine et de dépistages abusifs.
Après l’Union africaine (UA), le Nigeria est monté au créneau mardi 14 avril pour dénoncer des discriminations « inacceptables » à l’égard de ses ressortissants en Chine à la suite de la découverte de cas positifs au Covid-19, alimentant une polémique embarrassante pour Pékin, en pleine offensive de charme sur le continent.
Ces derniers jours, des Africains se sont dits victimes d’expulsions, d’interdictions d’entrer dans des commerces, de placements en quarantaine et de dépistages abusifs, après la découverte de plusieurs cas positifs au nouveau coronavirus parmi la communauté nigériane de la métropole de Canton.
Mardi, le ministre des affaires étrangères nigérian, Geoffrey Onyeama, a reçu l’ambassadeur chinois à Abuja. Une audience aux airs de convocation, pour l’informer que « la situation est extrêmement pénible et inacceptable pour le gouvernement et le peuple nigérians et que nous voulons une action immédiate ». L’UA avait déjà exprimé samedi son « extrême préoccupation » sur le sort des Africains et appelé la Chine à « des mesures rectificatives immédiates ».
Selon des sources diplomatiques, une vingtaine de pays d’Afrique ont préparé une missive à l’intention de Pékin dans laquelle ils estiment que les dépistages et la quarantaine imposés spécifiquement à leurs ressortissants équivalent « à du racisme ». La « note verbale » dénonce « une violation évidente des droits de l’homme ».
« Xénophobie des autorités chinoises »
A l’origine de cette affaire, la fuite de cinq Nigérians de Canton positifs au Covid-19 et placés en quarantaine avait déclenché un tollé et un déluge de commentaires xénophobes sur Internet. D’après l’agence Chine nouvelle, 4 553 Africains, soit toute la population africaine de Canton, ont été soumis à un dépistage depuis le 4 avril – 111 d’entre eux se sont avérés positifs. Plusieurs Africains ont raconté à l’AFP avoir été chassés de leurs logements, puis refusés dans des hôtels et des restaurants, et ont finalement dû dormir à la rue ou sous des ponts sans rien à manger.
L’affaire tombe au plus mal pour Pékin, qui a multiplié ces dernières semaines les offensives de charme sur le continent africain à travers l’envoi de médecins, de matériel médical et autres aides financières. D’autant que les Etats-Unis se sont engouffrés dans la brèche, dénonçant la « xénophobie des autorités chinoises », dans un contexte de confrontation stratégique entre les deux puissances mondiales.
L’administration de Donald Trump n’a pourtant pas jusque-là manifesté un intérêt particulier pour le continent africain. Mais elle met régulièrement l’Afrique en garde contre la Chine, dont les investissements et les prêts sont, selon Washington, motivés par d’arrière-pensées peu amicales. « Les abus et mauvais traitements à l’encontre des Africains vivant et travaillant en Chine rappellent tristement à quel point le partenariat entre la République populaire de Chine et l’Afrique est creux », a déclaré à l’AFP un porte-parole du département d’Etat américain.
« Partenaire et frère »Face à cette pression diplomatique, la Chine a rejeté dimanche tout « racisme », promettant « d’améliorer » le traitement des Africains à Canton. Une vingtaine d’ambassadeurs africains ont en outre été reçus lundi au ministère des affaires étrangères à Pékin pour être rassurés. « Le peuple chinois a toujours considéré le peuple africain comme un partenaire et un frère qui partage les mêmes difficultés et les mêmes problèmes », a insisté un porte-parole, Zhao Lijian.
Depuis une dizaine d’années, la Chine est devenue le premier partenaire commercial du continent, devant les Etats-Unis et la France, distribuant des milliards aux pays africains pour la construction de grands projets d’infrastructures, souvent en échange de leurs ressources minières.
Avec la pandémie, le secteur de la santé est devenu un nouvel instrument diplomatique pour Pékin, notamment via ses milliardaires philanthropes comme Jack Ma, le fondateur du géant de la vente en ligne Alibaba – membre du Parti communiste chinois – ou ses fleurons des télécoms, à l’instar de Huawei.
Fin mars, des millions de masques, de kits de test et de combinaisons de protection étaient ainsi généreusement livrés à Addis-Abeba, à destination de l’Union africaine, pour être redistribués sur le continent. Mais les dons se font aussi en bilatéral, comme cet avion chargé de matériel et transportant une équipe de quinze médecins chinois, qui a atterri le 8 avril à l’aéroport d’Abuja, la capitale nigériane.