Coronavirus : en Pologne, une campagne présidentielle surréaliste
2020-04-30 22:08:38
Le parti Droit et justice, au pouvoir, tente de passer en force en imposant un scrutin par correspondance rejeté par l’opposition.
A dix jours de l’élection présidentielle polonaise, dont le délai a été initialement fixé au 10 mai, le pays reste plongé dans une profonde incertitude, inédite depuis la chute du communisme. Situation aussi inquiétante qu’ubuesque : à cette heure, il n’est toujours pas certain que le scrutin aura lieu, on ne connaît pas la date de son report éventuel, et la réponse à cette question tombera trois jours avant la date butoir, le 7 mai. C’est ce jour-là que la loi modifiant le code électoral et introduisant le vote par correspondance généralisé reviendra du Sénat à la Diète, la Chambre basse du Parlement, pour un ultime vote. Et son issue est incertaine au point que Droit et justice (PiS), parti de l’homme fort du pays, Jaroslaw Kaczynski, pourrait en perdre sa majorité.
Le bon sens appellerait pourtant à un report du scrutin de plusieurs mois ou d’un an, comme le réclame l’opposition, alors que l’épidémie due au coronavirus n’a toujours pas atteint son pic et que la campagne électorale est à l’arrêt depuis plusieurs semaines. Mais Jaroslaw Kaczynski s’y refuse obstinément : si dans les conditions actuelles, le président sortant, Andrzej Duda, est donné vainqueur dès le premier tour, la situation sera beaucoup plus complexe une fois que le pouvoir populiste sera confronté à la gestion des conséquences économiques et sociales de la crise.
Les institutions internationales et les juristes sont unanimes pour dire que ces élections par voie postale, préparées dans la précipitation, ne peuvent en aucun cas être conformes aux standards démocratiques. Le bureau des droits de l’homme de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), la vice-présidente de la Commission européenne chargée des droits de l’homme, Vera Jourova, la Cour suprême polonaise, le médiateur de la République, des ONG comme la Fondation Helsinki pour les droits de l’homme se sont notamment prononcés en ce sens.