Grandes manoeuvres de coronavirus pour la Chine au Moyen-Orient
2020-05-11 02:19:40
La Chine gardait jusqu’au début de cette année un profil relativement bas au Moyen-Orient, se concentrant sur les projets majeurs d’investissement de son « initiative de ceinture et de route » (de la Soie), désignée depuis 2013 sous son acronyme anglais de BRI. La Chine laissait volontiers la Russie profiter en Syrie du désengagement des Etats-Unis dans la région, tout en accompagnant de son veto les vétos russes au Conseil de sécurité, paralysant ainsi l’action de l’ONU dans la crise syrienne. Mais la crise du coronavirus a amené la Chine à désormais se poser au Moyen-Orient en alternative à une puissance américaine incapable, à supposer qu’elle le souhaite, d’inspirer une mobilisation coordonnée contre la pandémie.
UNE ROUTE DE LA SOIE TRES POLITIQUE
La Chine est devenue en 2015 le premier importateur mondial de pétrole, avec 40% de ses approvisionnements en provenance du Moyen-Orient. Mais elle a veillé à diversifier ses fournisseurs, avec l’Arabie, l’Irak, Oman, l’Iran, Koweït et les Emirats, par ordre d’importance décroissante en 2018. Elle n’a pas non plus voulu s’enfermer dans une alliance privilégiée, choisissant l’Arabie saoudite, l’Iran, les Emirats arabes unis et l’Egypte comme ses quatre partenaires principaux dans la région, et ce en dépit des tensions entre Téhéran, d’une part, Riyad et Abou Dhabi, d’autre part. Les investissements massifs de la Chine au Moyen-Orient, de l’ordre d’une centaine de milliards de dollars depuis le lancement de la BRI, sont particulièrement visibles dans les trois ports de Jizan en Arabie, de Port-Saïd en Egypte et de Duqm en Oman, tous trois adossés à d’importantes zones industrielles.
Cette stratégie de longue durée s’appuie sur le soutien résolu de Pékin à tous les régimes en place, y compris les plus autoritaires, quels que soient les différends qui les opposent entre eux. Une telle solidarité des dictatures a joué à plein dès le début de la crise du coronavirus, le président égyptien Sissi se distinguant par l’envoi d’une assistance médicale à la Chine frappée par la pandémie, tandis que le drapeau chinois était projeté sur des monuments emblématiques du Caire et de la vallée du Nil. Cette mobilisation aux côtés de Pékin n’a pas faibli, même quand la diffusion du virus en Iran, de loin le pays le plus touché de la région, a pu être attribuée à la présence chinoise dans la ville sainte de Qom. Tout au contraire, la Chine s’est affichée en ferme allié de la République islamique dans la lutte contre la pandémie et a repris le discours de Téhéran sur la responsabilité des sanctions américaines dans le lourd bilan humain. Une seule fausse note est survenue lorsque le porte-parole du ministère iranien de la Santé a osé qualifier de « plaisanterie » les statistiques officielles de la Chine sur la pandémie, avant de se rétracter sous la pression des « durs » du régime, très liés à Pékin.