A Athènes, la détresse des réfugiés en voie d’expulsion de leurs appartements

  • 2020-06-10 18:56:10
Plus de 11 000 réfugiés doivent quitter leurs logements sociaux, en vertu d’une loi grecque appliquée depuis mai, qui réduit de six à un mois la période où ils sont logés après avoir obtenu l’asile. « Vous êtes désormais responsables de votre vie, vous devez quitter l’appartement dont vous avez bénéficié durant votre demande d’asile. » Ces mots résonnent encore cruellement dans la tête de Mohamed Al-Rifaie, un Syrien de 19 ans qui vit avec sa mère et son frère aîné dans un deux-pièces d’un quartier populaire du port du Pirée. Le 1er juin, l’ONG Nostos qui leur avait attribué le logement dans le cadre du programme d’hébergement Estia géré par le Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR) et financé par la Commission européenne, leur a ordonné de quitter les lieux. Ils avaient déjà reçu un avertissement quinze jours auparavant. « L’ONG nous a prévenus que la police pourrait désormais venir nous déloger. Mais nous n’avons aucune alternative, nous leur avons expliqué que nous ne pouvions pas nous retrouver à la rue, surtout en raison des problèmes de santé de mon frère », constate anxieux Mohamed. Son frère Ahmad, 25 ans, a subi une opération du cerveau à son arrivée en Grèce il y a trois ans et doit être suivi régulièrement à l’hôpital. L’ONG, qui les emmène habituellement chez les médecins, a arrêté de s’occuper de leur situation. Leur aide financière de moins de 400 euros a également cessé au début du mois. « Qu’allons-nous devenir ? » Selon une loi votée en novembre 2019 par le Parlement grec mais mise en application tardivement en raison de l’épidémie due au coronavirus, la période pendant laquelle les réfugiés ayant obtenu l’asile peuvent rester dans ces appartements a été réduite de six à un mois. D’après le ministère des migrations, quelque 11 200 réfugiés doivent être expulsés de ces logements sociaux, mais aussi des camps et des chambres d’hôtel à travers le pays. « Ces mesures d’expulsion des réfugiés reconnus sont en fait dans le prolongement de la ligne dure choisie par le gouvernement grec en matière migratoire, soutient Filippa Chatzistavrou, professeure associée en sciences politiques à l’université d’Athènes. L’idée est de montrer aux réfugiés qu’ils ne sont pas les bienvenus en Grèce, d’avoir un effet d’épouvantail sur les candidats à l’asile mais aussi de séduire les électeurs attirés par le discours de l’extrême droite. » Les ONG qui s’occupent de la gestion des appartements se retrouvent dans la délicate situation de déloger les occupants. Certaines associations s’y refusent pour l’instant. C’est le cas de Solidarity Now, qui, sur 411 locataires, affirme n’avoir eu que dix départs depuis le 1er juin. « Une grande majorité sont des réfugiés syriens victimes de stress post-traumatique, des familles, des mères seules avec enfants, des personnes en situation d’handicap. Ils ne sont pas prêts à quitter leur logement », commente Eva Giannakaki, en charge des questions de logement pour l’ONG.

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