A peine avaient-ils entendu parler du projet de la Chine d’imposer à leur ville une loi de « sécurité nationale » que les Hongkongais se sont remis à envisager de la quitter, comme ceux déjà nombreux à l’avoir fait, par vagues, par le passé.
« Emigrer, c’est le sujet de conversation préféré au bureau. Mes collègues et même mes clients qui cherchent un logement parlent de quitter Hongkong. Moi aussi cela me plairait, mais ce n’est pas si simple, ça coûte cher », explique Alvin Tam, 34 ans, agent immobilier qui s’est fortement mobilisé pendant le mouvement de protestation antigouvernemental, qu’il continue de soutenir.
Il regrette que ses parents n’aient pas demandé, en 1997, le passeport britannique d’outre-mer (British National Overseas), que le Royaume-Uni avait offert à tous les habitants de Hongkong qui le souhaitaient, à l’époque. Accordé à 3,4 millions de Hongkongais, il pourrait aujourd’hui leur faciliter considérablement l’accès à la citoyenneté britannique.
Le premier ministre britannique, Boris Johnson, a annoncé, le 3 juin, en réponse au projet de Pékin d’imposer une loi de sécurité nationale à la ville, que leur droit de séjour de six mois au Royaume-Uni deviendrait un droit de travail de douze mois, ouvrant la voie ensuite à la demande de citoyenneté de plein droit.
Les plus violents épisodes de manifestations, depuis l’annonce, au printemps 2019, d’un projet de loi permettant les extraditions vers la Chine, abandonné par la suite, avaient déjà incité nombre de Hongkongais à préparer leurs valises.
Pékin précipite la remise au pas
Mais l’annonce, fin mai, du projet de loi de sécurité, perçu comme un tournant dans la reprise en main de la cité par la République populaire, a accéléré la tendance : 37 % y songeaient fin mai contre 24 % au mois de mars, selon un sondage.
Cette loi, dictée et imposée par Pékin, punira les activités séparatistes, terroristes, la subversion, ainsi que la collusion avec des forces étrangères, des qualifications utilisées en Chine continentale pour réprimer les opposants au régime. Elle pourrait entrer en vigueur tout de suite après son examen par le Comité permanent de l’Assemblée nationale populaire chinoise entre le 28 et le 30 juin et risque de remettre en cause l’exception hongkongaise dans l’ensemble chinois.
Quand, en 1997, la Chine reprit dans son giron l’ancienne colonie britannique, elle promit à ses habitants que « rien ne changerait » du système hongkongais, pendant au moins un demi-siècle. Après cent cinquante ans de colonisation britannique, les 6,5 millions d’habitants d’alors – ils sont 7,4 millions à présent – avaient pris la fâcheuse habitude de dire, d’écrire et de penser en toute liberté, sans jamais se soucier de plaire ou non aux autorités. Ils commémoraient chaque année le massacre du 4 juin 1989 de la place Tiananmen, un tabou en Chine.