Brice Teinturier : « La poussée verte aux élections municipales est la poursuite d’une forme de dégagisme »

  • 2020-07-01 18:57:37
Le directeur général délégué de l’institut Ipsos analyse le second tour des municipales marqué par l’abstention. Directeur général délégué de l’institut Ipsos et auteur de « Plus rien à faire, plus rien à foutre. » La vraie crise de la démocratie (2017, Ed. Robert Laffont), Brice Teinturier analyse le second tour des élections municipales. La faible participation est-elle due au contexte ou révèle-t-elle une crise démocratique ? Il y a, bien sûr, une dimension conjoncturelle liée à la peur du Covid-19. Dans nos enquêtes, c’est d’ailleurs la principale raison évoquée par les abstentionnistes. A cause de l’épidémie, ce scrutin a été atypique d’un bout à l’autre. Le second tour a eu lieu plus de trois mois après le premier tour et il était très compliqué pour tous les candidats de créer une dynamique. Mais ce contexte particulier ne doit pas occulter des causes plus profondes. Depuis les élections municipales de 1983, l’abstention ne cesse de progresser. De plus en plus de citoyens se détournent du système de représentation classique. Pour eux, la scène électorale est fictive, ils estiment que les élections ne changent rien. C’est ce que j’avais appelé les « PRAF », ceux qui n’en ont « plus rien à faire ou à foutre ». Qui sont ces abstentionnistes ? Classiquement, ils sont plus nombreux dans les milieux populaires, chez les jeunes (30 points de différence entre les moins de 35 ans et les plus de 60 ans), parmi les femmes, dans les villes… Lors de ces élections municipales, il y a eu 50 % d’abstention dans les communes rurales et plus de 63 % dans les agglomérations de 100 000 habitants et plus. Mais l’abstention augmente en réalité dans toutes les catégories. Certes, parfois, il peut y avoir un plateau, voire une exception comme avec le sursaut des élections européennes en 2019 mais sinon, la baisse de la participation est continue. La mobilisation a été très variable selon les villes, parfois très faible à Rennes, à Lille ou à Paris… Il y a une règle d’or qui perdure : quand il y a de l’enjeu, les électeurs se mobilisent. A Toulouse et Perpignan, la participation a augmenté au second tour car le scrutin était serré ou parce que le Rassemblement national (RN) pouvait prendre la mairie. A Paris, au contraire, les jeux étaient faits. Mais cette règle ne doit pas faire oublier la raison de fond déjà évoquée : une grande partie des électeurs sont maintenant installés dans une stratégie d’« exit ». Ils préfèrent ne pas participer au jeu démocratique et donner de la voix par d’autres moyens, par exemple en descendant sur des ronds-points.

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