Après la vague de pillages, l’Afrique du Sud à l’heure des comptes
2021-07-26 02:11:00
Trois cent trente-sept personnes sont mortes, 1 199 magasins et 200 centres commerciaux ont été mis à sac. Les violences ont aussi révélé le désordre au sommet de l’Etat.
Les chiffres ne suffisent pas pour prendre la mesure des dommages subis par l’Afrique du Sud lors de la vague de pillages qui s’est étalée sur une semaine, mi-juillet, après l’incarcération de l’ex-président Jacob Zuma. Des événements qui ont menacé de plonger le pays dans un chaos sans retour. Après la fièvre des vols à grande échelle et grand spectacle – on n’avait encore jamais assisté à un embouteillage de pillards avec pick-up, véhicules divers et chariots sur une autoroute de Durban, la ville la plus touchée, dans le sud-est du pays –, une forme de normalité inquiète s’est imposée. Des chaînes de solidarité s’organisent. Après les jours sombres, le génie national semble à l’œuvre.
Il sera possible de reconstruire, nettoyer et réapprovisionner la plupart des 1 199 magasins d’enseignes diverses et les 200 centres commerciaux touchés, de rebâtir les entrepôts incendiés, de reconstituer les chaînes logistiques. C’est la responsabilité de groupes du secteur privé, qui en ont les moyens et la volonté. Mais il n’est pas certain que les 150 000 emplois menacés, selon l’Association des propriétaires d’immobilier d’Afrique du Sud (Sapoa), puissent être sauvés. Les petits commerces indépendants n’ont pas d’assurance (c’est le cas pour 80 % des magasins tenus par les Noirs dans les townships). Leurs propriétaires sont tout simplement ruinés. L’inquiétude nationale, du reste, va bien au-delà.
L’Afrique du Sud a eu peur, et à juste titre. Pas tant parce que des mises à sac ont eu lieu, même à cette échelle, mais parce qu’elles se sont déroulées face à des forces de l’ordre apathiques et ont pu se multiplier. A un moment, l’expansion a été stoppée. Mais la démonstration a été faite : la nation aurait pu être emportée par cette entropie vers une zone qu’elle n’avait pas fréquentée depuis trois décennies, celle de son propre abîme. Il y a trente ans, en 1991, mourrait l’apartheid.