Albert Zeufack (Banque mondiale): «Une crise alimentaire pourrait s’ajouter à la récession en Afrique»

  • 2020-04-11 14:43:10
L’économiste en chef de la Banque mondiale pour l’Afrique estime que la récession qui va frapper l’Afrique cette année pourrait avoir des conséquences désastreuses, si la communauté internationale n’agit pas. Un moratoire sur le remboursement des intérêts de la dette est essentiel, selon lui. Pourra-t-on éviter une récession en Afrique en 2020 ? Non, nous vivons un moment d’une extrême gravité pour l’Afrique. La croissance risque de passer de + 2,4% en 2019 à - 2%, voire - 5% en 2020, ce qui sera la première récession depuis vingt-cinq ans. L’impact se fera sentir sur le bien-être social, c’est-à-dire sur les revenus et la consommation des populations en Afrique. Comment expliquer une telle ampleur ? Il y a quatre canaux de transmission de cette crise mondiale à l’Afrique. Le premier, c’est la baisse du commerce international et la chute des cours des matières premières qui s’ensuivit. Le pétrole a perdu 50% de son prix et les pays dépendant des recettes pétrolières sont plongés en pleine crise budgétaire. Le deuxième canal de transmission, ce sont les flux financiers des pays avancés vers l’Afrique subsaharienne. Cela va des investissements directs étrangers, l’aide, le tourisme – qui s’est effondré – et les transferts d’argent de la diaspora vers les familles. Le troisième canal de transmission, c’est le choc sur le secteur de la santé. Beaucoup de gens vont être malades et il faudra les prendre en charge. Le dernier canal, c’est la perturbation des activités économiques induite par les politiques de confinement que sont en train d’adopter les pays. Faut-il redouter une crise alimentaire ? Notre rapport établit qu’il faut s’attendre à une baisse de la production agricole de 2,6% en 2020. Il faut savoir que cette crise frappe au moment où approchent les récoltes en Afrique de l’Est, et à un moment où l’on commence à planter dans les régions proches de l’équateur, donc il y aura un impact sur les productions agricoles. À cela s’ajoute une baisse de l’importation des produits alimentaires. Or, l’Afrique importe pour 35 milliards de dollars de denrées chaque année. Avec les entraves au commerce provoquées par le Covid-19, nous observons que plusieurs pays ont déjà des difficultés à s’approvisionner en denrées de base. Donc, oui, une possible crise alimentaire pourrait s’ajouter à cette crise économique.

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