Crise à Hongkong : les milliardaires hongkongais dans le collimateur de Pékin

  • 2019-10-17 15:14:22
Régnant sur l’économie de la ville, les milliardaires sont accusés d’être à la source de la colère des manifestants par Pékin, qui préfère voir un malaise social que politique. « Les tycoons font le dos rond. On les entend encore moins qu’à l’habitude… », observe, amusé, l’influent commentateur politique Chip Tsao. A Hongkong, on utilise le mot « tycoon » (du japonais taikun, « grand prince ») pour désigner la fine fleur des ultrariches de la région administrative spéciale. Ils ont la main sur presque tous les secteurs de l’économie. Malgré leur grande discrétion dans la crise actuelle, Pékin a fini par les montrer du doigt, laissant entendre que c’était, au fond, à cause d’eux et des prix exorbitants de l’immobilier sous leur contrôle, que les Hongkongais sont révoltés. Dans un commentaire officiel publié à la mi-septembre par la très puissante commission des affaires politiques et légales chinoise, on lisait : « Dans le chaos actuel à Hongkong, beaucoup de jeunes ont tourné leur insatisfaction et leur colère vers le gouvernement, mais il faut relever qu’ils se sont probablement trompés de cible. » En l’absence d’une solution politique, l’Etat-parti n’ayant aucune intention de céder aux revendications démocratiques, la Chine aimerait lire les événements de Hongkong comme une crise sociale, une crise surtout du logement, dans la ville où le mètre carré est le plus cher au monde. Et s’il faut des coupables sur ce thème, ce sont bien les grands promoteurs immobiliers, équivalents du propriétaire terrien que le parti unique a combattu historiquement en Chine. A Hongkong, quatre conglomérats dynastiques (la famille Kwok avec le groupe Sun Hung Kai, celle de Li Ka-shing avec CK Hutchinson, le groupe Henderson de Lee Shau-kee et l’empire New World de la famille Cheng) se partagent l’essentiel de l’immobilier résidentiel et commercial, alors que la moitié des Hongkongais ne sont pas propriétaires. Cette poignée de milliardaires doit désormais naviguer entre une presse chinoise attaquant les entreprises qui ne se révéleraient pas aux ordres – comme la compagnie Cathay Pacific – et de jeunes manifestants eux-mêmes, désormais prompts à boycotter ou vandaliser toute enseigne qu’ils jugent pro-Pékin. « Les maîtres du futur »C’est Li Ka-shing, 91 ans, le plus emblématique et le plus riche (environ 30 milliards de dollars, 27 milliards d’euros) d’entre eux, qui subit depuis peu les foudres de Pékin. Ayant fui le communisme et trouvé refuge à Hongkong dans les années 1950, Li Ka-shing s’est imposé comme l’un des hommes d’affaires les plus puissants du monde. Le message aux Hongkongais qu’il a publié par une série de pleines pages dans la presse mi-août avait brillé par son ambiguïté. Il affirmait en anglais que « les meilleures intentions peuvent aboutir au pire résultat », on pouvait y voir une condamnation de la dérive violente des manifestations ou une référence au projet de loi d’extradition avancé par la chef de l’exécutif, Carrie Lam. Pour la version chinoise, il avait choisi un proverbe des plus obscurs : « Le melon de Huantai ne peut plus être cueilli. »

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