« Ma hantise, c’était qu’il ne me reconnaisse pas » : les familles face à la réouverture des Ehpad

  • 2020-04-27 13:07:58
Depuis l’annonce, le 20 avril, de la réouverture des maisons de retraite aux familles, certains proches ont rendu visite à des personnes âgées isolées. D’autres préfèrent attendre, de peur de contaminer les établissements. Enfin, Sylvie Karassik a revu son père, mercredi 22 avril. Trois jours plus tôt, Olivier Véran, le ministre des solidarités et de la santé, avait rouvert aux familles les portes des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), fermées depuis le 11 mars pour éviter l’intrusion du virus dans ces structures où au moins 8 654 personnes sont mortes du Covid-19 depuis le début de l’épidémie. Après avoir « un peu harcelé pendant deux jours » l’Ehpad Rothschild, dans le 12e arrondissement de Paris, Sylvie Karassik a été la première, mercredi matin, à pouvoir se présenter dans cet établissement où réside son père de 94 ans. Les retrouvailles ont duré une demi-heure. La fille est restée à l’extérieur du bâtiment, au rez-de-chaussée, une vitre en Plexiglas anti-gouttelettes la séparait de son père, dont les cheveux ont poussé. « Les soignants l’ont motivé pour qu’il ouvre les yeux, il a levé la tête, il m’a souri, et puis il est retombé dans son sommeil. » Pas un mot. « Ma hantise, c’était qu’il ne me reconnaisse pas. » Avant le confinement, elle venait quasiment tous les jours après le travail. « Comme j’ai eu droit à son petit sourire, je me suis dit : “Il sait que je ne l’ai pas abandonné.” Mais ça a été très dur de le voir si diminué. Mes sœurs voulaient que je leur envoie des photos, mais c’était une mauvaise image, je n’ai pas voulu la partager. » « Syndrome de glissement » Florence Desbazeille a constaté, elle aussi, que le confinement n’avait pas arrangé sa grand-mère de 102 ans, dont deux à l’Ehpad de Garches (Hauts-de-Seine). Jusqu’en février, « elle se portait très bien, elle marchait, elle mangeait toute seule, elle lisait son journal, elle allait à la gym », explique cette infirmière de 45 ans, mais l’interdiction des visites l’a plongée dans un « syndrome de glissement, une sorte de dépression. Elle a fait des crises d’angoisse, elle est devenue grabataire, elle mange un demi-petit-beurre et trois cuillères de compote par jour, je ne sais pas combien de kilos elle a perdus. Elle est méconnaissable ». « On demandait à la direction : “A quel moment vous nous donnerez le droit de venir la voir ? Quand elle sera dans le coma et qu’elle ne nous reconnaîtra plus ?” On avait peur qu’elle se laisse partir sans qu’on puisse lui témoigner notre affection. » Les retrouvailles ont fait du bien à tout le monde. « Elle va un peu mieux. Elle ne va pas remonter la pente, mais c’est un soulagement de pouvoir lui manifester notre soutien par une présence concrète. »

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