Les récents conflits en Ukraine, en Syrie, en Libye et en particulier dans le Haut-Karabakh ont vu l’utilisation inédite et massive de salves de drones armés. Combinées aux moyens militaires classiques, elles ont des effets dévastateurs pour les troupes au sol.
C’est un phénomène nouveau, un symptôme des conflits hybrides, qui a pris de court et inquiète nombre d’armées dans le monde. Les spécialistes le désignent sous l’appellation de « salve » de drones, ou d’« essaim ». On pourrait parler de « nuée ». Il s’agit en réalité du détournement d’engins sans pilote, de toute taille, jusque-là surtout utilisés pour des missions de renseignement ou des frappes ciblées, à des fins d’assauts groupés, armés, voire kamikazes. Un acte II de la guerre des drones, qui se répète depuis deux ans sur plusieurs théâtres d’affrontements et engendre une discrète course contre la montre des états-majors – y compris en France – pour y faire face.
Cette nouvelle donne tactique était en germe depuis plusieurs années. Mais cette réalité a pris une acuité particulière quand ces méthodes ont été observées lors du conflit dans le Haut-Karabakh, qui opposa l’Arménie à l’Azerbaïdjan à l’automne 2020. La hantise que ce scénario se reproduise ailleurs a notamment conduit la France à considérer cette éventualité comme une urgence opérationnelle pour l’armée de terre et les forces spéciales, jugées vulnérables. La lutte antidrone a ainsi été inscrite au rang des priorités de la révision de la loi de programmation militaire 2019-2025, présentée au Parlement les 22 et 23 juin.
A la différence d’autres conflits, la guerre dans le Haut-Karabakh a consacré une utilisation massive de drones, combinée à des tirs de missiles sol-sol et d’obus d’artillerie. Ils ont parfois même été détournés sous forme d’engins-suicides appelés « munitions maraudeuses ». Le tout constituant des salves aux effets dévastateurs. Le phénomène était inédit dans le cadre d’un conflit interétatique, opposant des armées de troisième rang. Les Azerbaïdjanais ont prouvé au passage leur maîtrise de ces techniques, et ce dans des opérations en réseau (exploitant les réseaux informatiques militaires) qui étaient jusque-là l’apanage des Occidentaux. Les Arméniens ont payé un lourd tribut à ces nuées d’engins bourdonnants aux trajectoires imprévisibles, dirigées contre leurs positions.